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« Heurs et malheurs de la fiscalité de l’assurance-vie »

Avec la crise sanitaire, les Français ont boudé l’assurance-vie en 2020. Les montants retirés ont atteint 6,5 milliards d’euros, du jamais vu. Alors que le gouvernement veut réorienter vers l’investissement les importantes sommes mises de côté, Philippe Trainar explique comment ce type d’épargne bénéficie d’une stabilité fiscale.

La fiscalité de l’assurance-vie a été pendant plus de trente ans le marronnier du législateur qui n’avait pour objectif que de rogner ses « avantages » tout en s’évertuant à créer de nouveaux produits politiquement tapageurs et économiquement ineptes. Curieusement, depuis peu, le prurit réformateur du législateur semble s’être calmé, se limitant à quelques effets de manche peu convaincants.

Pourquoi ce calme subit ? Certainement pas parce que la fiscalité de l’assurance-vie serait désormais claire et lisible. Bien malin l’épargnant qui, parmi les 45% de ménages français disposant d’un contrat d’assurance-vie, serait en mesure de dire quel est le régime fiscal de son contrat. Tout dépend de son âge, de la génération de son contrat, du montant du contrat, de son taux d’imposition marginale etc. et s’en suit une exubérance fiscale de situations, difficile à résumer sur une page. En fait, ce calme subit vient de ce que la fiscalité de l’assurance a temporairement atteint un port d’attache : par-delà son arborescence foisonnante, elle est aujourd’hui quasi-équivalente à celle des autres produits d’épargne. Naturellement, le « quasi » cache de nombreuses déviations possibles.

Si l’on veut se limiter au cas particulier d’un investissement en assurance-vie effectué aujourd’hui, et en simplifiant, on peut dire que le produit de cet investissement sera taxé à 17,2% pour la fraction de l’investissement détenue plus de 8 ans dans la limite de l’abattement de 4600 euros pour un(e) célibataire et de 9200 euros pour un couple (soit 17,2% de prélèvements sociaux), à 24,7% pour la fraction de l’investissement détenue plus de 8 ans, supérieure au plafond de l’abattement mais inférieure à 150.000 euros (soit 17,2% de prélèvements sociaux plus 7,5% de prélèvement forfaitaire réduit) et 30% pour la fraction de l’investissement détenue moins de 8 ans ou supérieure à 150.000 euros (soit 17,2% de prélèvements sociaux plus 12,8% de prélèvement forfaitaire unique). A quoi s’ajoutent les régimes particuliers des ménages dont le taux marginal de l’impôt sur le revenu est inférieur aux taux ci-dessus, des contrats vie-génération investis dans l’économie sociale et solidaire, des contrats rente-survie et des contrats épargne-handicap.

Reste l’avantage fiscal lié aux droits de succession qui s’est réduit comme peau de chagrin et se limite aujourd’hui au fait que les contrats d’assurance-vie ne sont par rapportés au reste de la succession et qu’ils bénéficient d’un barème moins progressif dont les tranches sont sensiblement plus larges que le barème normal et dont les taux sont plafonnés à 31,5%, le conjoint survivant restant exonéré.

Réjouissons-nous de la soudaine sagesse du législateur qui s’est laissé convaincre par les vertus incontestables de la stabilité fiscale. Regrettons cependant que cette stabilité ait été acquise au prix d’une fiscalité sous-optimale et peu incitatrice à l’épargne dans la mesure où elle taxe celle-ci deux fois, une fois avant d’investir et une seconde fois au moment de la sortie. Dans les années 80, les pouvoirs publics avaient laissé miroiter l’espoir que ce soit le régime fiscal de l’épargne financière qui tende vers celui plus optimal de l’assurance-vie… mais, tragiquement, c’est l’inverse qui s’est passé : le régime de l’assurance-vie a finalement convergé vers celui sous-optimal de l’épargne financière. Regrettons aussi l’imposition d’un prélèvement social strictement redistributif, sans contrepartie aucune pour l’épargnant, contrairement à tous les autres prélèvements.

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