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Impôt à la source : le préalable à de grandes réformes fiscales

Le fait d’asseoir l’imposition sur des revenus contemporains permettra d’aller plus loin dans la nécessaire simplification fiscale.

Que le psychodrame autour du prélèvement à la source ait été surjoué ou pas, le résultat est là. Personne ne peut plus ignorer la retenue sur salaire qui apparaîtra sur la feuille de paie à partir du mois de janvier, un bénéfice collatéral non négligeable afin de diminuer l’effet de surprise !

L’attention s’est focalisée sur la question du ressenti psychologique des Français à la vue de leur prochaine fiche de paye. Au demeurant, il convient de dégonfler la baudruche, dans la mesure où moins de 43 % des foyers sont redevables de l’impôt sur le revenu. Ensuite, les indépendants, les agriculteurs, et les titulaires de revenus fonciers choisiront un prélèvement mensuel ou trimestriel sur la base de leur déclaration de revenu antérieure. Enfin, 59 % des foyers sont déjà mensualisés.

Au total, les foyers fiscaux qui verront leur situation financière éventuellement se dégrader en janvier 2019 ne représenteront au maximum que 15 % des contribuables, au plus 6 millions sur 38 millions, qui plus est, situés dans les déciles de revenu les plus élevés. Un chiffre moins considérable en tout cas que les 16 millions de foyers fiscaux concernés par l’annonce de la non-indexation des retraites. Les vrais sujets sont donc ailleurs.

Acompte, recouvrement et évolutions infra-annuelles

La question immédiate est de savoir si les contribuables vont faire plus d’avance de trésorerie à l’Etat que maintenant. Grâce aux décisions prises la semaine dernière, où il a été décidé qu’un acompte de 60 %sera versé sur les crédits d’impôt et certaines déductions d’impôtsdès janvier prochain, la situation semble plus équilibrée que précédemment.

Ensuite, il a été invoqué que la charge de recouvrement pèserait sur les petites entreprises. Comme elles sont très hétérogènes par nature, on ne peut exclure un manque de préparation pour certaines d’entre elles. Pour les petites entreprises (en dessous de 20 salariés), elles peuvent opter pour se faire aider gratuitement par l’Urssaf au titre du titre emploi service entreprise, le Tese. Là, on peut se demander pourquoi le seuil de 20 salariés a été retenu, alors que ce seuil est supprimé avec la loi Pacte portée par Bruno Le Maire ! Le seuil de 50 salariés s’impose.

L’impôt suivra désormais les évolutions infra-annuelles de la situation financière des ménages et c’est un avantage manifeste pour ceux qui sont à l’entrée du barème de l’impôt sur le revenu. Le fait de mieux connaître la chronique de revenu dans l’année va permettre également d’adapter les aides aux bas revenus au plus près de leurs besoins. En épousant le cycle économique, le rôle de stabilisateur automatique de l’impôt s’en trouve puissamment accru.

Vers une refonte

Enfin, cette réforme ne modifie aujourd’hui que le recouvrement de l’impôt et pas son calcul. Mais demain qu’en sera-t-il ? Est-ce que cette réforme ouvre un chemin plus facile à la réforme fiscale ? Oui, nécessairement, une fois que l’impôt à la source sera entré dans les moeurs. D’abord parce que la complexité de l’impôt a pu prospérer dès lors qu’on le calculait sur une matière morte. Sur un revenu contemporain, les solutions doivent être forcément plus simples, car elles doivent être immédiatement applicables.

Ensuite, les contribuables se lasseront sans doute assez vite des régularisations qui interviendront en cours de route pour des opérations dont ils auront pu perdre le fil. En particulier, les déductions d’impôt sont plus menacées que les crédits d’impôts, parce qu’elles dépendent du taux de l’impôt qui peut changer entre l’année du versement de l’impôt à la source et l’année de régularisation.

Enfin le sujet de l’individualisation reviendra très vite sur la table, parce que le couple peut déjà choisir de payer son impôt d’une manière individualisée, alors que le calcul reste sur une base conjugale. Un hiatus entre les sommes versées et la somme due posera dès lors au sein du couple la question de qui paie la différence. Le sujet de la fusion CSG et de l’IR ne se posera qu’une fois l’individualisation actée, assurément pas dans l’immédiat.

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