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Italie : le désordre économique au fond des urnes ?

Les italiens votent le 4 mars prochain pour les élections générales. Ce scrutin intervient après la dissolution du Parlement fin décembre 2017. Aux développements politiques s’ajoutent les enjeux économiques d’une péninsule fragilisée. Patrice Geoffron dresse le portrait de l’Italie convalescente pré-électorale.

Maintenant que l’Allemagne s’est (presque) dotée d’une coalition, les Européens vont pouvoir scruter la scène électorale italienne, les électeurs transalpins étant appelés aux urnes le 4 mars pour renouveler leur Parlement. Et cette attention des voisins de l’Italie sera d’autant plus fébrile, que des menaces économiques planent de l’autre côté des Alpes, alors que le partage des excédents est un des principaux sujets de frictions de l’autre côté du Rhin.

Les craintes qui entourent ce scrutin résultent de la succession de chocs subis par la Péninsule : crise de la zone euro au début de la décennie, crise institutionnelle suraiguë avec le référendum perdu par Matteo Renzi fin 2016, crise bancaire concomitante (Monte dei Paschi di Siena et UniCredit étant alors au bord du gouffre) et, surtout, crise migratoire depuis, qui produit une montée de « l’euro-déception » dans un pays fondateur de l’Union (à rebours de l’évolution moyenne des citoyens européens selon l’Eurobaromètre).

La fragmentation de la scène politique laisse difficilement entrevoir la future majorité : le retour à l’avant-scène de Silvio Berlusconi (dont Forza Italia conduit une coalition hétéroclite et en tête des sondages à 35%) et la montée en puissance de Cinque Stelle (qui pourrait rallier 30% des suffrages) mélangent aventurisme et défiance institutionnelle, annonçant plus sûrement un enlisement qu’un sursaut collectif.

Et, surtout, cette incertitude produit une inflation de promesses, à laquelle le Parti Démocrate de Matteo Renzi prend sa part, et qui ouvre (en vrac) sur d’énormes allégements fiscaux et/ou des régimes de retraite ou d’aides sociales plus avantageux, cela dans un pays qui, à 132%, affiche le ratio dette/PIB le plus élevé de l’Union, derrière la Grèce. Conscients de cette contrainte, la plupart des partis annoncent dans le même temps une forte décrue de la dette, s’engageant à repasser sous les 100% dans 5 ou 10 ans.

Certes, dans un des rares pays de l’UE où le PIB/tête reste en deçà du niveau d’avant-crise, où la pression fiscale est forte (5% PIB au-dessus de la moyenne de l’UE) et où le chômage des jeunes (à 32% pour les moins de 25 ans) reste tragiquement élevé, le discours anti-austérité trouve légitimement écho. D’autant que le sentiment d’abandon européen face à la pression migratoire, laisse peu d’espace pour revendiquer un respect sourcilleux de la discipline budgétaire commune. Mais comme ces velléités de relance sont imprécises et (par conséquent) non chiffrées, elles procèdent à l’évidence de la surenchère électorale sur la scène politique, chaotique comme jamais.

Certes, une croissance de 1,5% en 2018 (et du même ordre en 2018) et l’amorce d’une décrue du chômage (-1% en 2017) suggèrent une sortie de la phase critique ouverte en 2011 avec la crise de la zone euro. Mais, une commission parlementaire, consacrée à l’analyse de la crise bancaire, a déroulé ses travaux en arrière-plan de la campagne électorale, rappelant opportunément à la vigilance : les quelques 30 milliards d’euros d’argent public consommés par la crise bancaire de 2015 sont les produits d’actes frauduleux et de défauts dans le fonctionnement des institutions (Banque d’Italie et Consob, le gendarme boursier). Avec des banques transalpines en convalescence et une dette publique sous lourde menace d’une remontée des taux, l’issue des élections du 4 mars constituera un événement d’intérêt européen, sinon de crainte.

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