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La bourse sait-elle intégrer le risque climatique ?

Les opérateurs boursiers intègrent de plus en plus la prise en compte du risque climatique. Bertrand Jacquillat explique pourquoi il est toutefois difficile d’en mesurer l’impact sur la valorisation des entreprises cotées

 

Le monde de la finance a pris progressivement conscience de la nécessité de jouer sa partie dans la lutte contre le réchauffement climatique. A l’instar de la Banque centrale européenne qui a annoncé son intention d’intégrer ce critère dans la conduite de sa politique monétaire, de plus en plus d’entreprises prennent conscience du rôle qu’elles devraient jouer pour la solution des problèmes sociétaux.

Le succès des « investisseurs à impact »

Dans la panoplie des problèmes sociétaux, rassemblés sous le sigle ESG, pour Environnement, Social et Gouvernance, la lutte contre le réchauffement climatique figure au premier rang. Par ailleurs, un nombre croissant d’investisseurs expriment le souhait de faire du bien en même temps que bien faire leur métier. Et quand l’offre rejoint la demande… D’où le bouillonnement autour du thème de la lutte contre le réchauffement climatique tant parmi les entreprises qu’auprès des investisseurs.

On donne le nom d’ »investisseurs à impact » à cette catégorie d’investisseurs, qui recherchent des opportunités d’investissement rentable ayant un impact positif en termes d’ESG et de réchauffement climatique. La croissance rapide de leur nombre a donné lieu à un questionnement comprenant plusieurs facettes. Et d’abord existe-t-il une compatibilité entre les objectifs de rentabilité financière et les impacts sociétaux de l’entreprise de par les biens et les services qu’elle produit et par ses activités opérationnelles ?

Comment valoriser les critères d’impact ?

Le nombre et la diversité des critères ESG rend difficile la tâche d’isoler parmi ceux-ci le critère du réchauffement climatique, afin de mesurer son impact sur leur valorisation. Car il s’agit bien là de l’essence de la question posée. Est-ce-que la bourse tient compte de la prise en compte du risque climatique, et dans quelle mesure cela affecte-t-il la valorisation des entreprises qui y sont cotées, à savoir un cours de bourse plus élevé ou un coût du capital plus faible ? Ce n’est pas faire injure aux utilisateurs de Boursorama de rappeler ici la difficulté pratique de la valorisation des actions, de par la diversité des facteurs qui entrent en ligne de compte.

Arriver à identifier la (non) prise en compte de ce risque dans la valorisation d’une entreprise relève de la gageure. D’autant que les entreprises qui ne veulent pas satisfaire aux critères des investisseurs à impact iront chercher chez d’autres investisseurs les capitaux dont ils ont besoin, ce phénomène de substitution neutralisant l’influence des investisseurs à impact.

La nécessité d’investisseurs à impact de taille critique

L’investissement à impact est un investissement actif qui va au-delà de la décision passive de refuser d’investir dans un certain type d’entreprises, comme les sociétés pétrolières à cause de leur impact avéré sur le réchauffement climatique. C’est ce qui s’est produit tout récemment avec la société Exxon. Avec seulement cinquante millions de dollars investis dans Exxon, le fonds Enterprise 1, nouvellement créé à San Francisco, a entrepris une vaste campagne de communication dénonçant l’incapacité d’Exxon à se réinventer pour faire face au réchauffement climatique. Ce faisant, le fonds a réussi à rallier à sa cause un grand nombre d’investisseurs institutionnels puissants, forçant la société à intégrer ce risque dans sa stratégie et ses opérations.

Il est clair que les entreprises seront d’autant plus sensibles aux arguments, voire aux pressions, de l’investisseur à impact que la taille de ce dernier est élevée. Il est difficile de résister aux pressions d’un Amundi, BlackRock ou autre… Sans aucun doute, la bourse intègre progressivement le risque de réchauffement climatique de par l’action conjuguée des investisseurs institutionnels et individuels pour faire pression en ce sens auprès des entreprises. Mais en mesurer précisément l’impact est une autre paire de manches.

 


 

Bertrand Jacquillat, membre du Cercle des économistes

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