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La COP26 aidera-t-elle les pays en développement ?

Quel que soit le jugement porté sur les résultats de la COP26, la dimension Nord-Sud – c’est-à-dire la participation des pays développés à l’ajustement nécessaire dans les pays en développement, est aujourd’hui au cœur de la difficulté et de la solution à apporter dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Les émergents, principaux émetteurs de gaz à effet de serre

Les cinq principaux émetteurs de gaz à effet de serre sont dans l’ordre en 2018 la Chine (24% du total mondial), les États-Unis (12%), l’Inde (7%), la Russie (4%), et l’Indonésie (3,5%). Ils représentent collectivement plus de 50% du total des émissions. Vient ensuite le Brésil qui contribue pour près de 3% des émissions.


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A l’exception des États-Unis (puis du Japon en 7ème position), les principaux émetteurs sont donc des pays émergents, dont les populations importantes, parfois en croissance, ont besoin de davantage d’accès à des sources d’énergie aujourd’hui encore fortement émettrices. Les pays africains, plus pauvres, émettent certes moins. Le Nigéria, par exemple, arrive en 27ème position avec 0,7% des émissions mondiales. Mais la population du continent africain va doubler d’ici 2050. La contribution du continent aux émissions mondiales s’accroîtra donc très sensiblement. L’objectif de limiter la hausse moyenne des températures à 2° Celsius en 2050 – sans mentionner l’objectif plus ambitieux de 1,5° – requiert une participation pleine et entière des pays en développement.

Justice et éthique : les indispensables questions

Cette participation soulève d’importantes questions sur la justice et l’éthique. L’analyse en termes de flux annuels d’émissions ignore que ce qui compte, c’est le stock de gaz à effet de serre contenus dans l’atmosphère. Ce stock s’est constitué en de nombreuses années. Les principaux émetteurs de ce stock sont encore, de très loin, les pays développés. Les États-Unis ont émis 25% du stock, l’UE à 28 22%, la Chine 13%, la Russie 6%, le Japon 4% et l’Inde 3%.

Au-delà de cet effet stock, un Américain émet aujourd’hui 15 tonnes d’équivalent CO2 par personne et par an; un Russe, 11,1 ; un Japonais 8,6 ; un Allemand 8,4 ; un Français 4,5. Un Chinois émet 7 tonnes en moyenne, notamment du fait de l’utilisation extensive du charbon. Un Indonésien n’émet que 2 tonnes et un Indien 1,7 tonne. Quant à un Nigérian ou un Sénégalais, il n’émet que 0,5 tonne.


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Cette double métrique de la prise en compte des stocks et des émissions par habitant conduit donc à une appréciation très différente du rôle et des responsabilités relatives des différents pays. Maintenir les émissions au niveau actuel de 35 gigatonnes en 2030, lorsque les prévisions de l’Office des populations des Nations Unies prévoient que le monde aura 8,5 milliards d’habitants, suppose une émission moyenne par habitant à peine supérieure à 4 tonnes par an. Pour de nombreux pays émergents et en développement, il paraît donc juste de revendiquer une hausse des émissions, à la fois totale et par habitant. Cette hausse serait compensée par une baisse marquée des émissions par tête dans les pays développés.

La promesse faire par les pays développés n’a pas été tenue

La sortie par le haut est la transformation générale en une économie à bas-carbone, qui pour les pays en développement implique des efforts et des investissements colossaux. Cela a été en partie reconnu à Copenhague en 2009 avec l’engagement des pays développés de transférer 100 milliards par an aux pays en développement dès 2020 pour accompagner cet effort. Cette promesse n’a pas été tenue. Le pacte de Glasgow pour le climat parle dorénavant d’une trajectoire de transferts croissants jusqu’en 2025, atteignant 100 milliards en 2023.

Il est probable que l’effort de transfert nécessaire sera très largement supérieur. L’aide au développement devient ainsi une politique globale au cœur des efforts d’ajustement, bien au-delà du seul impératif, très noble, de la générosité et de la redistribution. Elle est au cœur d’une action collective indispensable pour répondre de façon efficace au réchauffement climatique et, plus généralement, aux défis de la préservation des biens publics mondiaux.

 


 

Pierre Jacquet est membre du Cercle des économistes, président du Global Development Network et professeur à l’ENPC

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