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La crise : quel impact sur les politiques publiques ?

L’impact de la crise sanitaire et économique sur la conception des politiques publiques est multiforme. Le changement le plus radical concerne déjà, et va continuer à concerner, les politiques budgétaires et fiscales. L’inévitable « quoi qu’il en coûte » a tué, peut-être de manière définitive, les normes de 3 % pour le déficit public et de 60 % pour le ratio de dette publique. Il va falloir élaborer de nouvelles règles budgétaires, en privilégiant le critère de la soutenabilité dans le temps des dettes publiques . Un critère qui conduit à focaliser sur l’objet des dépenses publiques, leur maîtrise nécessaire, et sur l’écart entre le taux de croissance et le taux d’intérêt payé par les emprunteurs, publics ou privés.

Alors que l’attention est polarisée sur les dettes publiques, le défi des dettes privées, celles des entreprises et des ménages, va être tout aussi compliqué. Il faudra réviser le traité de Maastricht et le Pacte de stabilité et de croissance : au regard de la soutenabilité, ce qui compte c’est la dette totale, publique et privée.

Effets d’échelle

Derrière le « quoi qu’il en coûte » se profilent des stratégies industrielles, entendues non pas comme des mesures touchant seulement 12 % du PIB en France, mais comme une démarche volontariste concernant aussi les services, l’agroalimentaire… Dans nombre de cas, le retour des politiques industrielles n’a de sens qu’au niveau européen, afin de bénéficier des effets d’échelle requis par la concurrence mondiale, des économies d’échelle sous-estimées dans la politique européenne de la concurrence.

Pour le reste, la crise renforce des préoccupations installées dans le paysage politique bien avant le Covid. Le souci des inégalités n’est pas nouveau. Ce qui l’est plus, c’est la volonté de les aborder dans toutes leurs dimensions : inégalités pécuniaires, territoriales, entre générations. Où se mêlent le souhaitable et le souci de ce qui est soutenable à terme. Contenir par exemple les inégalités territoriales, dans un contexte où la crise renforce les avantages de la « proximité », exige en France une nouvelle politique d’aménagement du territoire. Une politique dont les contours demeurent beaucoup trop flous…

Standardisation européenne

L’écologie était déjà centrale avant le Covid. Elle l’est encore plus maintenant. Le retour des Etats-Unis dans l’Accord de Paris y contribue. A cette démarche globale s’en ajoute désormais une autre, complémentaire, qui relève, elle, du « bottom up ». Car les critères ESG (environnement, social, gouvernance), au départ d’application microéconomique, deviennent par capillarité des références de premier ordre au plan macroéconomique. On comprend l’urgence d’une standardisation européenne de ces critères extra-financiers au moment où, pour de multiples raisons, s’affirme l’impératif du long terme.

Le point d’équilibre entre confiance et défiance va conditionner le calendrier et l’ampleur tant de la reprise économique que du sursaut politique. Sans confiance, il n’y aura pas de vrai déblocage de l’épargne accumulée par les ménages français depuis dix-huit mois. Sans atténuation de la défiance réciproque entre les opinions publiques et les responsables politiques, de la méfiance réciproque entre politiques et experts, la prochaine élection présidentielle débouchera difficilement sur un projet pour la France de long terme, ambitieux et cohérent.

Ces thèmes, et beaucoup d’autres, seront abordés lors des Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence des 2, 3 et 4 juillet, consacrées à cet indispensable mot d’ordre : « Saisir l’avenir, ensemble ».

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