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La TTF : une Taxe Très Futile

ob_3e1b41_arton3923-62176-2b09eOui, les excès de la finance ont conduit à la crise. Oui, les banques ont une part de responsabilité. Oui, la taille de la sphère financière est disproportionnée par rapport à celle de l’économie réelle. De nombreuses réformes bancaires et financières étaient et sont donc indispensables… à condition qu’elles répondent à un objectif clair, qu’elles soient efficaces et qu’elles s’inscrivent dans une cohérence globale. La taxe sur les transactions financières en France et celle prévue en Europe ne remplissent, hélas, aucun de ces critères.

L’objectif d’une telle taxe ? La Commission européenne en avance trois : éviter la fragmentation du marché intérieur, assurer que le secteur bancaire contribue aux finances publiques, et décourager les transactions financières qui ne contribuent pas à l’efficience des marchés financiers ou au financement de l’économie réelle.

Le premier objectif est loin d’être atteint puisque seuls 10 pays européens ont confirmé, le 8 décembre, leur accord.

Le deuxième objectif est louable. Pour autant, il faut reconnaître que les banques ont déjà été mises à contribution au cours de ces dernières années et la mise en place des nouvelles réglementations est assez dispendieuse. Pour les finances publiques, il serait plus simple d’envisager une surtaxe (provisoire ?) de leurs profits.

Enfin, le troisième objectif vise à réduire la spéculation. Toute économie développée a besoin de marchés financiers. Pour la liquidité du marché, il est indispensable que coexistent des intervenants hétérogènes, par leurs motivations, par leurs horizons temporels et leur aversion/appétence au risque. Parmi ces intervenants, certains sont donc des spéculateurs ! La spéculation ne peut donc être condamnée a priori sauf quand elle engendre des externalités négatives pour les autres agents économiques. Peu de modèles s’interrogent sur la quantité socialement optimale de la spéculation. Il s’agit d’une question fondamentale, mais d’autant plus délicate à traiter que les interventions politiques et celles de groupes de pression lui confèrent une dimension plus idéologique que scientifique.

L’efficacité de la taxe peut s’appréhender sous deux angles : en termes de réduction de la spéculation et implicitement d’une plus grande stabilité des marchés, et sous l’angle du rendement de cette taxe. Les chiffres révèlent effectivement une baisse des volumes de transactions, parmi ces dernières, celles liées à la spéculation. Il serait prématuré d’en conclure à une stabilisation des marchés vu l’environnement incertain actuel. Ce qui apparaît plus certain est l’arbitrage réglementaire lié à la non-harmonisation internationale de ce type de taxe qui conduit à une délocalisation des transactions… et donc à une baisse de l’assiette fiscale. Non seulement les recettes espérées sont nettement inférieures aux recettes prévisionnelles mais, de plus, le manque à gagner en termes de revenus issus d’activités délocalisées risque d’être supérieur à ces recettes. Enfin, la taxation des opérations « intra-day » adoptée vendredi par l’Assemblée nationale va se heurter à des questions techniques de collecte et à des problèmes d’extraterritorialité inextricables. Bref, si les principaux centres financiers de la planète n’appliquent pas ce type de taxe, elle sera inefficace pour atteindre les objectifs poursuivis et comportera des effets pervers pour les pays l’appliquant.

Quelle cohérence ? Les nouvelles réglementations européennes visent à rééquilibrer les rôles respectifs des marchés financiers et des banques dans le financement. Il peut paraître contradictoire de taxer les transactions financières alors que l’on cherche à accroître le rôle des marchés ! Par ailleurs, l’un des grands principes budgétaires est la non-affectation des recettes aux dépenses. Il est bafoué depuis de nombreuses années. Les exemples foisonnent, tous plus iconoclastes les uns que les autres. La taxe sur les transactions financières ne déroge pas à cette tendance, bien au contraire, puisque son produit devrait être affecté à la lutte contre le réchauffement climatique, à l’aide au développement, et pour certains, à l’aide aux réfugiés actuels… Dommage que la lutte contre les invasions dévastatrices de sauterelles ait été oubliée !

La prolifération d’impôts, couplée à des niches fiscales encore plus nombreuses, conduit à l’impossibilité d’une stratégie globale de la fiscalité. Il est plus qu’urgent d’entreprendre une réforme structurelle de la fiscalité française et… d’harmoniser la fiscalité européenne des entreprises plutôt qu’une taxe spécifique au rendement incertain.

 

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