" Osons un débat éclairé "

Le bitcoin est-il une monnaie ?

Le bitcoin a toutes les caractéristiques d’une monnaie réelle. Il reste cependant trop volatil et comporte encore de nombreux risques.

Dans une conférence prononcée récemment à la Banque d’Angleterre, Christine Lagarde faisait cette mise en garde : « Naguère, certains experts prétendaient que les ordinateurs personnels n’avaient aucun avenir et que la seule utilité des tablettes serait de servir de plateau dispendieux pour tasses à café. Aussi, je ne pense pas qu’il soit opportun de rejeter les monnaies virtuelles d’un revers de la main. »

Il n’y a pas que les experts pour critiquer le bitcoin, et lui dénier un statut de monnaie.  Plusieurs banques centrales, comme la BCE, ont adopté une position négative. Il y a plusieurs mois, son président, Mario Draghi, avait expliqué que les cryptomonnaies (tiens, tiens, le bitcoin serait donc bien une monnaie, ne serait-ce que virtuelle) ne constituaient pas une menace pour le « monopole » des banques centrales, seules habilitées à battre monnaie, mais constituaient un actif très particulier, par définition spéculatif. Certes, depuis sa création, en 2010, le prix du bitcoin a été multiplié par 30.000, ce qui correspond à un taux de rentabilité annuel de 420 %. Un cygne noir.

Bitcoin et blockchain

La hausse vertigineuse du bitcoin a pour conséquence qu’avec une capitalisation d’environ 200 milliards de dollars, il est devenu la trentième monnaie mondiale. Aussi, les banquiers centraux manifestent une certaine ambivalence, c’est-à-dire à la fois le souhait de ne pas être à l’écart de cette mutation technologique et sociétale, et la crainte de perdre un pouvoir de quasi-monopole qu’elles avaient directement ou au travers des Etats.

Mais la société numérique qui émerge s’organise différemment. Les Etats et les banques centrales, qui ont beaucoup perdu de leur crédit au fil du temps, auront du mal à résister. Le succès du bitcoin traduit peut-être une fuite devant l’environnement fiscal et monétaire version 1.0.

D’autant que le bitcoin procède d’une invention extrêmement ingénieuse, la blockchain, qui est un procédé d’enregistrement décentralisé de transactions que l’on pourrait assimiler à un livre comptable public, horodaté et immuable et qui pourrait s’imposer comme le support des transferts de propriété sur Internet.

Volatilité et incertitude

A ce titre, le bitcoin aspire au statut de monnaie, et ceci légitimement, dans la mesure où il a toutes les caractéristiques des monnaies réelles : monnaie d’échange, unité de compte qui fait l’objet en permanence de cotations vis-à-vis d’autres cryptomonnaies et des monnaies réelles et réserve de valeur.

Il est clair que, tel Janus, le bitcoin a une autre face moins lumineuse et présente certains risques. La volatilité passée de son prix a été à l’image de sa hausse, plus de 7 fois celle des actions. Difficile d’asseoir des transactions économiques sur une base aussi volatile et incertaine.

Par ailleurs, et même après l’explosion de son prix, la capitalisation des bitcoins, qui représente plus de 50 % de la capitalisation de l’ensemble des cryptomonnaies existantes à ce jour, atteint moins de 3 % de la base monétaire mondiale, ce qui serait totalement insuffisant pour servir de support financier aux transactions économiques.

Une monnaie risquée

Et puis, le bitcoin comporte un certain nombre de risques. D’abord, un risque technique, certes peu probable, mais malgré ses huit ans d’âge, il se pourrait que l’on détecte une faille dans le protocole de la

blockchain. Ensuite des risques politiques, externes d’abord, de nature régulatoire freinant son développement, voire conduisant à sa mise au ban, mais aussi internes au sein de la communauté des développeurs de la blockchain.
Risque technologique enfin, avec l’apparition possible de cryptomonnaies prometteuses qui rendraient le bitcoin obsolète. Mais même s’il fait probablement l’objet d’une bulle sur le point d’éclater, le bitcoin n’a pas fini de faire parler de lui et de menacer la prééminence des grandes monnaies mondiales.

 

sur ce thème ré-écoutez Bertrand Jacquillat le 5/12 sur RFI

 

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