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Le bon plan de Manuel Valls

Le bon plan de Manuel vallsManuel Valls a tranché lors de son discours de politique générale. L’essentiel des allégements de charges prévus dans le pacte de responsabilité sera concentré sur les bas salaires, avec zéro charge patronale au niveau du SMIC. Pour cela, aux 20 milliards d’euros de réductions de charges patronales déjà alloués par le crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice) fin 2012, viendront s’ajouter 10 milliards supplémentaires. Au total, les allégements du coût du travail seront de 30 milliards d’ici à 2016. Cette annonce met un terme à d’intenses controverses sur le ciblage des allégements. Des voix divergentes parmi les partenaires sociaux plaidaient pour des allégements de charges étalés jusqu’à 3 fois le SMIC, touchant ainsi près de 90 % des salariés.

Le Premier ministre a-t-il fait le bon choix ? Rappelons que le principal objectif de ce pacte est de favoriser la création d’emplois. Dans ce cas, les faits sont têtus et lui donnent raison.

Les analyses empiriques montrent que pour favoriser la création d’emplois, les réductions de charges doivent être concentrées sur les plus bas salaires. C’est là que l’offre d’emplois est la plus importante et les salaires les moins ajustables. En France, où le salaire minimum est élevé (le SMIC représentait, en 2010, 60 % du salaire médian, soit le ratio le plus élevé parmi les pays de l’OCDE, après la Turquie), le nombre de personnes désirant travailler à ce niveau de salaire est important. Dès lors, suite à une baisse de charges, une entreprise qui désire embaucher parce que le coût du travail diminue n’a pas besoin d’augmenter les salaires : les allégements de charges favorisent effectivement l’emploi. Au-delà du salaire minimum, en revanche, les allégements de charges peuvent tirer les salaires à la hausse et avoir, en fin de compte, un effet limité sur l’emploi.

Les études les plus récentes portant sur la France montrent qu’une diminution de 1 % des charges entraîne, selon le niveau de salaire, une augmentation des embauches comprise entre 0,1 % et 2 %. En retenant une valeur intermédiaire de 1 %, il apparaît que diminuer de 1 % les charges patronales pour les 2 millions de travailleurs dont les rémunérations se situent entre 1 et 1,1 SMIC crée environ 20.000 emplois. Selon Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, le dispositif actuel de baisses de charges permettrait de créer ou sauvegarder environ 800.000 emplois. En revanche, lorsqu’on s’éloigne du SMIC, une baisse des charges se traduit principalement par une augmentation du salaire net, et ne favorise pas la création de nouveaux emplois. Selon l’économiste du travail Raj Chetty, professeur à Harvard, une diminution de 1 % des charges au niveau du salaire médian se traduit en moyenne, dans les pays de l’OCDE, par une augmentation de seulement 0,25 % de l’emploi et par une augmentation de 0,75 % des salaires.

En dépit de ces évidences, de nombreuses voix s’élevaient pour étendre ces allégements jusqu’à 3 fois le salaire minimum. Pourquoi ? Premier argument : améliorer la compétitivité de l’industrie, où les salaires sont plus élevés que dans les services. C’était l’objectif du Cice, qui proposait un crédit d’impôt allant jusqu’à 2,5 SMIC. Les enseignements des études économiques précédentes amènent à penser que ce dispositif conduira surtout à une hausse des salaires nets, et aura donc très peu d’impact sur la compétitivité et l’emploi.

Deuxième argument : redonner du pouvoir d’achat au maximum de salariés. Mais il existe un instrument direct pour cela, l’impôt sur le revenu. Proposer une subvention publique « déguisée » aux salariés qui sont dans l’échelle haute des rémunérations semble une curieuse revendication par ces temps de disette budgétaire.

La priorité des priorités est de consacrer les ressources publiques à ceux qui souffrent le plus du chômage : les non-qualifiés et les jeunes. C’est, dans tous les cas, la priorité affichée par Manuel Valls.

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