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Le CAC 40 à 8 000 points : quelle finance pour quelle réindustrialisation ?

A l’heure de la reprise économique frémissante, quel rôle la finance peut jouer dans la relance ? Comment peut-elle participer à l’investissement et au développement de l’innovation ? Selon Jean-Paul Betbeze, une bonne utilisation des profits doit-être appuyée par un fort volontarisme politique, immédiatement.

Supprimer les impôts de production, faciliter les entrées en bourse et les transmissions d’entreprises, cesser les sur-transpositions des règlements du Parlement européen, pousser les sociétés d’assurance à investir plus en actions et dans des fonds de private equity… voilà des pistes à prolonger pour avoir plus de reprise aujourd’hui. Vite ! Former plus et mieux, dans des entreprises plus puissantes et respectueuses de l’environnement, mais avec un prix croissant du CO2 et une vraie taxe environnement aux frontières, revoir les retraites pour financer les ETI et les PME, renforcer l’Europe et la zone euro dans le contexte géopolitique actuel de tension entre Chine et États-Unis… voilà des pistes à moyen terme pour réussir la mutation en cours du capitalisme. Avançons !

La finance va-t-elle permettre la réindustrialisation de l’économie française : c’est la question du moment. Comment ? Par quelles mesures ? La reprise va-t-elle se poursuivre longtemps, épaulée par les soutiens budgétaires français et européens (40 milliards d’euros), avec une politique monétaire accommodante, tandis que la Banque centrale américaine augmentera, mais très lentement, ses taux ? Au-delà, cette reprise « quantitative », qui permettrait en 2022 de retrouver le PIB d’avant-COVID-19, va-t-elle devenir « qualitative », changeant le tissu productif français pour le rendre non seulement plus résilient mais, surtout, plus efficace ? Alors, le déficit extérieur français se réduirait, laissant place à un excédent, avec et grâce à l’industrie. Sommes-nous dans le rêve ? Un CAC à 8 000 ?

Pour réussir, il s’agit donc, d’abord, de renforcer la reprise en cours, sans oublier qu’elle abrite évidemment des changements, même s’ils ne sont pas encore perceptibles. Ainsi, la croissance devrait être de 5,25% en 2021, puis de 4% en 2022 et 2% en 2023 selon la Banque de France. Ceci se produirait grâce à un investissement qui grimperait de 9,7% en 2021, avant de dépasser 3% l’an ensuite. Une forte reprise semble donc se mettre en place et la Bourse apprécie déjà, sans qu’il soit besoin de parler de bulle ! Le CAC 40 tutoie les 6 600 points, inquiet, pour aller plus haut, d’une inflation américaine qui ferait trop monter les taux.

Mais, pour continuer, tout dépend des projets, des perspectives, des profits et donc des risques futurs associés, comme toujours. Tout dépend donc, aujourd’hui, des chemins qui s’ouvrent en France et en Europe aux innovations. Question essentielle, puisque la finance précède toujours toute activité, aujourd’hui plus que jamais.

Plus de profit à moyen terme dans une économie qui verrait plus loin encore que le moyen terme de la Banque centrale, un an et demi, que les engagements budgétaires français, trois ans, ou même que les plans à dix ans du verdissement de l’Europe : c’est ce qu’il nous faut. On découvrira alors que ce sont les entreprises qui ont la plus longue durée de vie, et que les décideurs politiques doivent en tenir compte. Plus le monde est compliqué et instable, comme aujourd’hui, plus il faut renforcer la société dans laquelle nous vivons, c’est-à-dire les sociétés qui nous entourent, et surtout ne pas hésiter à le dire !

Cette chronique est publiée dans le cadre des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence. Retrouvez Philippe AGHION, Patrick ARTUS, Laurence BOONE et Jean-Hervé LORENZI dans l’Introduction : « Et demain, quel capitalisme ? », le vendredi 2 juillet 2021 à 14h.

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