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Le mutualisme, un remède contre la crise

1153728_le-mutualisme-un-remede-contre-la-crise-web-tete-021312514890Existe-t-il une question plus importante aujourd’hui, en Europe en général, et en France en particulier, que celle touchant à la relance de la croissance et de la création d’emplois ? Les politiques macroéconomiques ont leur rôle à jouer dans ce domaine et le plan Juncker comme le Cice vont dans le bon sens, même si c’est à un rythme limité par les contraintes budgétaires. Mais la création d’emplois se décide d’abord au niveau microéconomique des entreprises.

Le modèle de l’entreprise privée a fait ses preuves tout au long de l’histoire et continue à jouer un rôle prééminent.

Mais le moins que l’on puisse dire est que la recherche d’une rentabilité maximale pour les actionnaires a aussi donné lieu à des dérives comportementales dont la crise actuelle est la cruelle sanction. C’est particulièrement vrai dans la finance, mais pas seulement. Par rapport à ce modèle, le modèle coopératif paraît particulièrement adapté à une période de crise. Au-delà du principe démocratique « un homme = une voix », trois des axiomes du mutualisme répondent de manière particulièrement adaptée aux défis qui sont les nôtres aujourd’hui. D’abord la non-obsession du dividende versé aux actionnaires qui permet a priori d’éviter une prise de risque excessive. Ensuite – en conséquence – une priorité donnée au long terme dans une période où le court-termisme a fait de graves dégâts et où les besoins d’infrastructures sont immenses. Enfin une attention donnée aux populations – d’entreprises comme de ménages – que le jeu spontané de l’économie de marché sert mal ou difficilement.

Tout cela devrait donner le vent en poupe au mouvement coopératif aujourd’hui, ce qui n’est pas vraiment le cas. Le défi à relever est d’autant plus important que celui-ci joue un rôle majeur dans quatre secteurs d’activité qui occupent une place centrale dans nos économies : la banque, l’assurance, la santé et l’agroalimentaire. Si le mouvement coopératif a connu des échecs presque aussi importants et emblématiques que ceux qu’ont connus les entreprises privées, c’est que, à force d’hybridation au cours de la décennie qui a précédé la crise, il a, en partie au moins, perdu son âme. A force de vouloir imiter son modèle concurrent, il s’est trop souvent « pris les pieds dans le tapis ».

Pour retrouver son âme et donc son efficacité, le mouvement coopératif doit procéder à un véritable aggiornamento.

Celui-ci doit s’articuler autour de trois fils directeurs. Le premier concerne la gouvernance. Avec le recul, la plupart des errements récents du mouvement mutualiste tiennent à des dysfonctionnements dans ce domaine. Il faut remettre le sociétaire au cœur du processus décisionnel sans alourdir trop la prise de décision qui, en période de crise, se doit d’être particulièrement réactive. Plus facile à dire qu’à faire, mais tout part de là.

Deuxième fil directeur, la lutte contre les inégalités et l’engagement de long terme. Le mouvement coopératif est né au XIXe siècle de l’organisation d’une solidarité permettant de servir des populations délaissées par les mécanismes de l’économie de marché. La crise, aujourd’hui comme toujours, tend à accroître les inégalités. Les mutualistes doivent retrouver ce qui, jusqu’à récemment, a fait leur originalité et repenser leur approche de certaines populations marginalisées par la crise, en premier rang desquelles – mais de manière, bien sûr, non exclusive – les jeunes qui ne cumulent pas tous les atouts économiques et sociaux. Cela passe par une réflexion sur la durabilité de l’accompagnement de la clientèle. Cet effort peut être payant car n’oublions pas que c’est surtout aux marges des marchés que se trouvent les marges…

Enfin, dernier fil directeur, il faut que les mutualistes se parlent entre eux. La période que nous vivons est, par construction, une période de re-réglementation tous azimuts. Face à la crise, il faut définir de nouvelles règles du jeu. Par méconnaissance autant que par conformisme, les nouvelles réglementations sont conçues en référence à la société par action. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine bancaire (Bâle III) et dans celui des assurances (Solvency II) et cela a failli coûter particulièrement cher au mouvement mutualiste. Il faut donc que les mutualistes de tous secteurs se parlent pour faire entendre leur spécificité à Bâle, à Bruxelles et ailleurs. De timides avancées ont été faites dans ce domaine, mais la route est encore longue…

 

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