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Le scenario catastrophe d’une chute du dollar

Lors des précédentes crises économiques ou financières, notamment en 2008-2009, le dollar s’est toujours fortement apprécié, la monnaie américaine ayant bénéficié de son statut de valeur refuge aux yeux des investisseurs internationaux. Mais un autre scénario se profile depuis le déclenchement de la pandémie et de la récession mondiale. L’euro valait 1,08 dollar en mai dernier. Il se situe aujourd’hui autour de 1,20 dollar. Pour Stephen Roach, l’ancien chairman de Morgan Stanley, une nouvelle chute de près de 35% est à prévoir pour la fin 2021. Les explications sont multiples : les effets d’une hausse de la taxation du capital si Joe Biden l’emporte face à Donald Trump ; la chute des achats de Bons du Trésor américains, surtout de la part des investisseurs asiatiques ou européens jugeant plus attractifs les placements en euros ; l’explosion des injections de liquidités de la Fed, la banque centrale américaine, de l’ordre de 3.000 milliards de dollars depuis six mois, contre seulement 1.350 milliards dans la zone euro ; la hausse non maîtrisée du déficit budgétaire et du déficit commercial des Etats-Unis…

Ce scénario présente de réels dangers pour la zone euro. Le coût des importations européennes pourrait être allégé, mais alors en confortant le risque déflationniste (après une inflation négative en août dernier) dont les effets sont potentiellement délétères en présence d’une consommation atone et d’une forte poussée de l’endettement des entreprises et des Etats en Europe. Cette chute du dollar mettrait en cause les parts de marché de l’industrie européenne sur le plan mondial, surtout pour l’économie française fortement spécialisée dans des produits moyennement sophistiqués et donc très sensibles aux prix relatifs, moins sans doute pour les exportations, plus intenses en technologies et en RD, venant d’Allemagne ou des Pays-Bas. Les politiques de relocalisation industrielle seraient contrecarrées. L’hétérogénéité de la zone euro serait accentuée, provoquant de nouvelles tensions sur les taux d’intérêt à long terme entre les pays du Nord et du Sud. En rendant alors moins soutenables qu’aujourd’hui les déficits budgétaires et l’endettement public provoqués par les plans de relance.

Le projet de budget présenté cette semaine par le gouvernement français s’appuie sur un cadrage macroéconomique retenant l’hypothèse d’un taux de change stable de l’euro, à 1,16 dollar. Mais le scénario catastrophe d’une chute du dollar hypothèque considérablement son succès dans la relance de la croissance en France.

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