" Osons un débat éclairé "

Les arbitrages du gouvernement en matière de retraites constituent-ils une avancée économique?

La réforme des retraites est bel et bien enclenchée. Le Haut-commissaire à la réforme des retraites a réuni les partenaires sociaux la semaine dernière pour lancer la concertation. Cette dernière va durer plusieurs mois avant une loi promise pour 2019. Philippe Trainar détaille les ingrédients de base qui permettraient, à ses yeux, de placer le futur texte sur bonne trajectoire économique.

Même s’il n’est pas du tout sûr que le gouvernement aille jusqu’au bout de la réforme des retraites avant la prochaine présidentielle, il n’en demeure pas moins qu’il vient de faire un pas important dans ce sens en rendant ses premiers arbitrages. Par-delà le brouhaha des prises de position contradictoires, largement dictées par des considérations politiques ou corporatistes, la question qu’il faut se poser est celle de savoir si ces arbitrages mettent la réforme des retraites sur la bonne trajectoire économique. Mais, qu‘est-ce qu’une bonne trajectoire économique de ce point de vue ? La réforme doit pour cela, selon moi, satisfaire cinq impératifs.

Elle doit tout d‘abord être juste en accordant les mêmes droits à chacun, quel que soit le régime auquel il a cotisé. Elle doit ensuite bien séparer l’assurance vieillesse de la redistribution et de la solidarité qui relèvent de deux mécanismes opposés : la première repose sur la prévoyance et la prévention tandis que la seconde corrige les conséquences de l’imprévoyance et de l’absence de précaution. Elle doit aussi contenir les coûts de production, en évitant notamment les hausses de cotisations employeurs qui pèsent sur l’emploi et la création de richesse. Elle doit en outre corriger un handicap français majeur qui réside dans l’insuffisance chronique de travail : comme personne ne veut augmenter les durées hebdomadaire et annuelle de travail, c’est donc la durée de vie au travail qu’il faut accroître, en reculant l’âge effectif de départ à la retraite, une mesure d’autant plus légitime que l’allongement de la durée de vie se concentre sur les tranches d’âges élevés. Enfin, il faut mettre un terme au financement des retraites par endettement, qui repousse sur les générations futures la charge de nos largesses présentes : pour cela, il faut respecter la règle d’or selon laquelle la situation de trésorerie des régimes de retraite ne doit jamais être négative et les déficits d’un exercice doivent être financés par les excédents accumulés antérieurement.

Certains contestent ce principe faisant valoir que cela obligerait à faire fluctuer les pensions en fonction de la conjoncture… Mais, n’est-ce pas là le principe même d’un système de retraite par répartition, que les retraités partagent le sort des actifs ?

La référence à un système universel de retraite, la règle selon laquelle un euro cotisé doit donner les mêmes droits, quel que soit le régime, et l’inclusion des primes des fonctionnaires dans le calcul des cotisations et des pensions des fonctionnaires, constituent a priori des avancées considérables dans le sens de la justice. La séparation claire de l’assurance financée par les cotisations par rapport à la redistribution financée par la solidarité et l’impôt, satisfait totalement au second principe. A l’opposé, le maintien de la condition d’âge minimum à 62 ans contrevient au troisième principe, même s’il est possible de le contourner en pratique, en introduisant une incitation à partir plus tard ou une désincitation à partir à un âge inférieur à 65 ans, par exemple.

L’engagement de réaliser la réforme à enveloppe constante (14% du PIB consacré aux dépenses de retraite) est cohérent avec le quatrième principe. La référence à « une règle d’or » est encourageante par rapport au cinquième principe mais on est encore très loin d’un engagement ferme. Au total, par rapport aux cinq principes ci-dessus, force est donc de reconnaître que les arbitrages annoncés laissent le verre à demi-vide, ou à demi-plein selon le point de vue.

 

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