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Les exportations d’armement : quelles retombées ?

La décision australienne d’annuler la commande de sous-marins français a mis en lumière le rôle des exportations de défense dans les relations entre États. Contrairement à ce que beaucoup considèrent, l’exportation de défense n’est pas essentiellement un acte économique ; elle est avant tout une décision politique engageant les deux parties au contrat dans une relation de long terme couvrant au moins la durée de vie du matériel exporté.

Les exportations, un soutien à la politique de souveraineté

Cet engagement politique est d’autant plus important que le matériel livré relève de domaines stratégiques tels que les sous-marins ou les avions de combat… L’exportation de défense est ainsi une activité entièrement contrôlée par les États, notamment en France, confirmant donc la primauté du caractère politique de ces opérations.

Outre leur rôle politique, l’impact économique des exportations de défense a plus de poids pour des pays comme la France ou le Royaume-Uni. En effet, poursuivant une politique de défense souveraine, ces pays doivent pouvoir s’appuyer sur une industrie de défense autonome et efficiente. Or, leur marché intérieur est trop limité pour pouvoir promouvoir une telle industrie. Les exportations de défense ont alors un rôle important, en contribuant à soutenir la politique de souveraineté de ces États.

25% des chercheurs en entreprise en France

L’emploi constitue l’apport économique le plus reconnu des exportations de défense. En France, avec un volume annuel moyen de près de 8 milliards d’euros par an, on peut considérer que cette exportation génère plus de 30% des emplois de l’industrie de défense. Pour le secteur des missiles, il a été calculé que sa contribution fiscale globale représentait le triple de l’effort d’investissement consenti par la nation pour assurer son existence.

On peut également souligner le fort niveau consacré à la R&D dans le secteur de la défense dont les retombées civiles (matériaux, propulsion, électronique…) sont fort significatives. Sur le plan quantitatif, si les entreprises de défense françaises constituent 2% du nombre des entreprises réalisant de la R&D en France, elles emploient près de 25% des chercheurs en entreprise.

Des bénéfices nombreux pour l’économie française

De nombreux autres bénéfices économiques méritent d’être mentionnés. Ainsi, la poursuite de l’activité des chaines de production grâce aux commandes export offre à la France le maintien sur cette période de ses compétences industrielles. Cette activité permet également de financer par le client export des améliorations de certains produits pouvant intéresser le client français. Ainsi, le missile Exocet fut acheté pour la première fois par la Marine française après que son développement fut financé par un client export. Enfin, cette activité dégage des bénéfices financiers complémentaires. Elle permet ainsi aux entreprises de défense françaises de renforcer leurs capacités d’autofinancement en Recherche et Technologie comme en soutien du développement de nouveaux produits, au bénéfice principal du client domestique.

Ces considérations justifient de bien clarifier entre les pays partenaires les conditions d’exportabilité des produits en phase de lancement et leur possible développement en coopération européenne. Elles méritent également d’être prises en compte à l’heure où des réflexions sont menées au niveau européen sur la politique d’exportation des matériels de défense à l’occasion de la création du Fonds Européen de Défense. Il en va de l’intérêt de notre pays et du maintien de sa politique de souveraineté en matière de défense.

 


 

Christian de Boissieu est membre du Cercle des économistes et président du Conseil scientifique de la Chaire Économie de Défense IHEDN

Olivier Martin est président du Comité de pilotage de la Chaire Économie de Défense

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