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Les Mooc, un atout dans la guerre économique

les mooc un atoutÀ l’heure de la rentrée universitaire, l’OCDE publie un rapport qui reconnaît la progression de l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers. Bonne nouvelle alors que l’on piétine du côté du classement de Shanghai, et que l’on s’inquiète des risques de coupes budgétaires auxquelles le mauvais état de nos finances publiques risque de conduire.

Mais la globalisation de l’enseignement supérieur revêt un autre costume que celui des classements avec la vogue des Mooc (« massive open online course »). On ne saurait dédaigner la formidable avancée que constitue cette offre de qualité, gratuite et à l’usage de tous, où que l’on soit dans le monde.

Les universités américaines, dans l’incapacité de répondre aux demandes d’inscription venues notamment des pays émergents, démultiplient ainsi leur audience. L’Europe leur emboîte le pas. Le mouvement est toutefois loin d’être neutre. Le pouvoir des idées se concentre : au sein d’une concurrence globalisée, les célébrités scientifiques et les universités les plus réputées orchestrent la diffusion des savoirs. La standardisation des formats pédagogiques, la domination de la langue américaine, avec le mode de pensée que toute langue véhicule, créent un danger d’affaiblissement de la diversité linguistique et conceptuelle. Tel l’exemple d’une université au Rwanda entièrement fondée sur les Mooc. Le cours sur la justice est dirigé par un professeur de Harvard, le cours sur la globalisation par des professeurs de l’université d’Edimbourg et la certification en ligne assurée par la Southern New Hampshire University (ParisTech Rewiew, 24 juin 2013). Un autre écueil provient de la fracture numérique, les étudiants de certaines régions du monde n’ayant qu’un accès limité, faute de bande passante, au visionnage en streaming ou au tutorat en ligne. On retrouve enfin avec les Mooc la question de la qualité de l’offre. Comment s’y retrouver dans la déjà longue liste des Mooc ? Il est difficile de comprendre les différentes possibilités de certification accordées, et la fiabilité des certificats nécessite des processus d’authentification sophistiqués qui peuvent déclencher des problèmes d’usage ultérieur des données personnelles. Le « board » de l’Armherst College a refusé de rejoindre la plate-forme edX du fait des pratiques de valorisation des données personnelles qu’elle recueille.

Dernier point : l’absence de modèle économique, du moins de court terme. Malgré les millions de dollars investis, aucune des trois grandes plates-formes nord-américaines, Coursera et Udacity, toutes deux à but lucratif, et edX, à but non lucratif et en « open source », n’est parvenue à construire un modèle soutenable. Chez les deux premières, le cours est gratuit mais l’obtention du certificat payante. Il faut des inscriptions en masse, et parvenir à intéresser et fidéliser les « e-étudiants », alors même que l’attention est fluctuante et vagabonde dans l’univers de l’Internet. Les autres modèles, dans la logique de marchés à double face où le cours est gratuit mais financé par des produits dérivés et/ou par la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs, sont plus fragiles encore. Quant à la philanthropie, elle se dirige le plus souvent vers les établissements qui sont déjà les mieux dotés et les plus visibles. On est, comme souvent avec les innovations numériques, confronté à des usages massifs, répondant à une demande sociale, mais qu’il est pour le moins difficile de financer et de monétiser. Pourtant, Harvard et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) n’ont pas hésité à investir chacun 30 millions de dollars dans le consortium qui finance edX et qui a bâti un partenariat avec Google.

Comment comprendre que des moyens aussi importants aient été déployés ? D’évidence, le phénomène des MOOC s’inscrit dans une double logique : celle de l’évolution « naturelle » de l’éducation, sommée de s’approprier les avancées formidables que permettent les technologies numériques, et celle du développement d’un « soft power », source indirecte de retombées économiques.

Pour la France, l’enjeu est crucial. A l’heure où l’on s’intéresse à l’avenir de la francophonie, il faut rappeler que parler une même langue ou partager les mêmes fondamentaux éducatifs est un atout de poids dans les relations commerciales. L’investissement dans des MOOC doit être compris non seulement pour les bienfaits éducatifs qu’il induit, mais aussi comme un élément de notre compétitivité présente et future.

 

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