" Osons un débat éclairé "

Les perspectives boursières après l’élection présidentielle

La question revient à chaque changement de gouvernance : comment les marchés financiers réagissent à la perspective d’un nouveau quinquennat. Les investisseurs vont-ils réagir au mandat Macron 2 ? Bertrand Jacquillat explique pourquoi la question n’a plus de sens aujourd’hui.

Certains investisseurs ont peut-être encore le réflexe de se demander quelles seront les conséquences sur la bourse des résultats de l’élection présidentielle française. Sans doute cette question avait-elle encore un sens il y a une cinquantaine d’années lorsque le Général de Gaulle vitupérait lors d’une conférence de presse que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille. Soit dit en passant, cette admonestation sous entendait que, même pour quelqu’un aussi éloigné qu’il était des questions boursières, la politique française pouvait avoir une influence sur la Bourse.

Cette question n’a plus aucun sens aujourd’hui, n’en déplaise aux nostalgiques de l’influence de la France en tant que puissance économique mondiale. Mais l’économie n’est pas apatride pour autant. Certains pays, de par leur poids économique, ont plus d’influence que d’autres, c’est le cas surtout des Etats-Unis et de la Chine qui sont les principaux moteurs économiques du monde. Et l’économie n’est pas non plus désincarnée. Un certain nombre de facteurs ont une importance particulière.

Un facteur de première ligne

Il s’agit en première ligne des taux d’intérêt réels et des taux de croissance, qui sont rassemblés dans l’équation fondamentale de valorisation des actions, dont le niveau est déterminé par la valeur actuelle (les taux d’intérêt) des cash flows (et la croissance future de ceux-ci) dégagés par les sociétés. Bien entendu, il existe des outils pour rendre opérationnels ces concepts, aussi bien au niveau des valeurs individuelles que des marchés.

A quoi bon en effet prendre des risques pour un surcroît de rémunération réduit par rapport à un placement sans risque.

Pour ce qui est des marchés d’actions, cet outil est celui qui met en rapport le taux de rentabilité escompté des actions avec le taux du placement alternatif naturel, qui est le taux des obligations à long terme. On donne souvent l’appellation de prime de risque à cet écart qui a été historiquement de l’ordre 5%, et s’est accru progressivement pour atteindre une moyenne de l’ordre de 7%. Cet écart reflète l’intérêt relatif de se porter sur l’une de ces deux classes d’actifs. Il donne ainsi des indications particulièrement éclairantes lorsqu’il s’éloigne par trop de sa moyenne historique dans un sens ou dans un autre. Faible, il incite à se détourner du marché des actions. A quoi bon en effet prendre des risques pour un surcroît de rémunération réduit par rapport à un placement sans risque.

La crise des subprimes, un exemple notoire

C’était notoirement le cas à l’été 2007 à la veille de la crise des subprimes. A moins de 3%, il suscitait un fort intérêt à délaisser le marché des actions. A l’inverse, fin mars 2020, au cœur de l’impact dévastateur du déclenchement de la pandémie aux effets potentiellement redoutables, il était alors de plus de 11%. Après le fort rebond des cours qui suivit, la prime de marché est revenue à ses niveaux habituels. Malgré les craintes de récession et la remontée des taux d’intérêt, la prime de risque de marché se situe aujourd’hui à 6.8%, ne donnant pas d’indications péremptoires.

Qu’en est-il au niveau des valeurs individuelles ? Les craintes d’inflation et de fin des politiques monétaires expansionnistes ont porté un coup d’arrêt aux valorisations excessives de certaines valeurs technologiques. Ce qui a conduit l’actuel dirigeant Dara Khosrowshahi à adresser le message suivant à ses employés à propos des actionnaires de la société « we need to show them the money ».

Une nouvelle approche à la sélection des titres

Cette conversion à l’orthodoxie financière de la part d’une société qui n’a pas eu un seul trimestre bénéficiaire depuis sa création en 2009, en dit long sur les nouvelles approches de sélection de titres. Il s’agit de se détourner des sociétés dont la seule stratégie reposait sur la consommation de capital et de rechercher les sociétés technologiques dont le développement s’accompagne d’une forte génération de cash flows. Leurs noms sont bien connus et elles sont bien placées dans ce cycle d’innovations qui est très loin d’être achevé.

 


 

Bertrand Jacquillat est membre émérite du Cercle des économistes

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