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L’incroyable métamorphose du modèle bancaire

imagesA chaque révolution ses mutations industrielles. A chaque vague d’innovations qui entre dans le processus de production des économies, les acteurs doivent s’adapter s’ils ne veulent pas disparaître. La sphère bancaire n’en est pas exempte. Ainsi, depuis les années 1990, les nouvelles technologies de l’information ont conduit les activités et les modèles bancaires à de profondes mutations. Des années 1990 à 2007, les marges des intérêts sur les prêts ont baissé avec un effet positif sur le coût de financement des économies ; la part des actifs négociables dans les bilans a crû de 50 %, ce qui, conjugué à l’essor des services financiers, s’est traduit par une augmentation de la part des revenus hors intérêts (d’où l’argumentation quant à la plus grande résilience du modèle de la banque universelle) ; enfin, l’internationalisation des banques a accompagné celle de leur clientèle. En Europe, sur la décennie 2001-2011, les actifs bancaires sont passés d’environ 250 % à plus de 400 % du PIB. La crise financière depuis 2007 et la révolution numérique viennent de nouveau remettre en question les modèles bancaires. Deux facteurs jouent un rôle prépondérant : la régulation financière prudentielle et la révolution numérique.

L’impact de la régulation micro et macro-prudentielle sur la mutation des banques est à la hauteur de celui de la crise financière sur les économies occidentales. La première évolution majeure concerne le renforcement des fonds propres. Cette évolution concerne l’ensemble des banques occidentales mais la contrainte exercée sur les banques européennes est plus forte puisque, de ce côté de l’Atlantique, le financement bancaire est prépondérant, à l’inverse des Etats-Unis. Il y a donc, plus ou moins explicitement, une acceptation de l’idée que le financement par les marchés est préférable à celui par les banques, du moins que les proportions doivent être plus équilibrées.

Pourtant, les travaux théoriques et empiriques ne permettent pas d’atteindre un consensus quant à la supériorité de l’un ou l’autre mode de financement. Les banques étant plus fortement régulées, c’est le « shadow banking » (le crédit intermédié par des non-banques) qui se développe. Il s’agit par exemple de l’essor du financement par les sociétés de gestion d’actifs au sens large – gestion collective, fonds de pension….

L’impact de la révolution numérique est encore plus considérable. Tout d’abord, celle-ci a réduit les coûts d’entrée sur les activités bancaires traditionnelles. La baisse du coût de traitement de l’information a écorné l’avantage comparatif des banques. Par ailleurs, la baisse des coûts de transaction a permis à de nouveaux acteurs de concurrencer la banque tant sur son activité banque de détail que sur son activité banque d’investissement. Le comportement des agents (ménages et entreprises) a évolué. Les transactions courantes s’effectuent via Internet et on assiste à un engouement pour la banque en ligne. La part mondiale des banques dans le système des paiements a reculé de 100 % il y a quelques années à 75 % en 2014 (World Payment Report). Avec les plates-formes de financement participatif (« crowdfunding »), que ce soit pour les prêts – avec ou sans intérêts – ou la prise de participation au capital, les banques ont déjà commencé à réagir par l’acquisition ou la création de telles plates-formes. De même, elles ont soit pris des participations, soit acquis ou créé des plates-formes électroniques de négociation des titres.

La caractéristique commune à ces évolutions liées à la révolution numérique est celle d’une intensité capitalistique plus forte dans le secteur bancaire. La métamorphose des modèles bancaires passe à la fois par une proportion du capital (physique) accrue par rapport au capital humain, ce dernier devant être plus qualifié, donc mieux formé. Mais qui dit nouveaux modèles, dit nouveaux risques (dont le cyber-risque) et dit donc… nouvelles régulations.

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