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Mancur Olson : le passager clandestin

Économiste américain (1932-1998), Mancur Olson, l’un des principaux contributeurs à la théorie des choix publics, est connu au travers de ses deux livres « Logique de l’action collective » et « The Rise and Decline of Nations ». Le premier ouvrage constitue un tournant majeur dans la réflexion sur la rationalité à l’œuvre dans l’action collective, en y appliquant le raisonnement coûts/ avantages. D’où son fameux paradoxe du passager clandestin : un acteur rationnel a intérêt à profiter d’une action collective sans y participer.

Alain Trannoy, membre du Cercle des économistes, revient sur des extraits de cet auteur majeur.

Peut-il y avoir une fourniture de bien ou service collectif en dehors de l’Etat par le seul jeu d’acteurs agissant en fonction de leur strict intérêt personnel ?  L’économiste répond par la négative en général en se référant au phénomène du passager clandestin. En fait, l’analyse est plus subtile et ce passage de « La logique de l’action collective » est la première réflexion d’importance sur l’impact de la taille et de la composition des groupes dans la poursuite de leur intérêt collectif. Plus le groupe est grand et composé d’une multitude d’acteurs de petite taille, moins il sera capable de trouver en son sein les forces pour engendrer une action collective, chacun de ses membres se défaussant sur les autres pour l’assurer. Un groupe de taille importante ne peut être sauvé de l’inefficacité que s’il comporte en son sein des membres beaucoup plus puissants que les autres, susceptibles, tout à la fois, de ressentir une perte substantielle si le bien public vient à manquer et de payer un coût plus élevé pour son obtention.  Une traduction immédiate à l’activité économique s’applique au contrôle des sociétés anonymes via leur conseil d’administration. Si l’actionnariat est très dilué, aucun actionnaire ne consentira à fournir les efforts nécessaires à l’obtention des informations et à l’analyse des résultats de la société afin de savoir si ses dirigeants agissent bien en fonction de l’intérêt des actionnaires. En revanche, la présence d’actionnaires puissants est une garantie que l’effort sera fourni au bénéfice de l’ensemble. La gestion économique, environnementale et politique du monde s’apparente à celle d’une société dont les pays seraient les actionnaires. Les biens communs s’appellent paix, préservation des ressources rares de la planète, lutte contre le risque climatique, santé des populations face aux pandémies, harmonie dans les relations commerciales et monétaires, etc. Au total, presque 200 actionnaires autour de la table des Nations-Unies, qui constituent un grand groupe au sens olsonien du terme. Il est de bon ton de se lamenter, dans les relations internationales, du poids « trop » important de quelques pays. Il faudrait au contraire s’en réjouir dans la perspective de la recherche de l’action collective. Le poids des Etats-Unis dans le monde a longtemps été suffisamment important (45% du PIB mondial au sortir de la seconde guerre mondiale) pour qu’ils puissent supporter seuls ou presque des biens collectifs, comme la défense du monde libre. Ils le font encore, mais l’exemple tunisien montre que ce modèle est vraisemblablement en voie d’épuisement. La Chine, aujourd’hui, l’Inde demain auront le poids suffisant pour supporter une partie du fardeau, à condition de partager la même vision du bien commun, ce qui n’est pas encore assuré.

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