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Marchés financiers : pourquoi tant d’exubérance ?

Les jours se suivent et se ressemblent sur les marchés financiers, notamment américains, depuis l’élection de Donald Trump : l’optimisme perdure. Incompréhensible aux yeux de l’économiste Jean-Paul Pollin qui souligne de nombreux paradoxes.

Les réactions des marchés sont souvent surprenantes. Mais l’exubérance dont ils continuent de faire preuve, du moins aux Etats Unis, deux semaines après l’élection de Donald Trump, est proprement incompréhensible. En quelques heures, ils ont balayé les inquiétudes que pouvait à juste titre susciter le programme plein d’ambiguïtés et de contradictions du candidat élu.

Certes, les valeurs financières sont à la fête parce qu’elles anticipent un allègement de la régulation bancaire et une hausse des taux d’intérêt. Les valeurs voient s’éloigner le temps de l’après pétrole, les pharmaceutiques voient s’écarter l’hypothèse d’une baisse du prix des médicaments… Mais au-delà de ces points particuliers « l’effet Trump » ne concrétise qu’une politique protectionniste et de relance budgétaire, bizarrement associée à des promesses de laxisme réglementaire. Il est difficile d’y voir un manifeste libéral capable de satisfaire au penchant libéral des marchés. Difficile aussi d’y trouver les ingrédients d’une dynamique économique vertueuse et viable à moyen ou même court terme.

Car l’investissement public sera bien long à stimuler les gains de productivité générateurs d’une croissance plus inclusive. Dans la situation proche du plein emploi qui caractérise les Etats Unis, son élan risque bien de se heurter à la faible élasticité de l’offre que les restrictions apportées aux échanges internationaux et à l’immigration vont aggraver. On peut en attendre plus d’inflation que de croissance. C’est d’ailleurs l’anticipation de ce retour de l’inflation qui explique la hausse des taux d’intérêt à long terme que l’on observe depuis quelques jours.

La transmission de cette hausse au reste du monde, et à l’Europe en particulier, va peser sur les déséquilibres budgétaires et creuser à nouveau les spreads de taux sur les dettes publiques. Dans la zone euro, ceci ravivera les dissensions entre les pays membres et amplifiera les risques politiques exacerbés par les agendas électoraux. Tout cela est en principe défavorable à la croissance, y compris aux Etats Unis.

Quant aux mesures protectionnistes, qui seront en partie désarmées par la hausse du dollar et les rétorsions prises par les pays jusqu’ici partenaires, il est douteux qu’elles profitent à l’économie américaine. Il est probable qu’elles affaibliront plutôt l’ensemble de l’économie mondiale, et particulièrement celle des pays émergents : un jeu à somme négative en définitive. Il n’y a rien là de très original par rapport à ce que professent les organisations internationales depuis des années, et par rapport à ce que fut la doctrine des Etats Unis jusqu’à aujourd’hui.

Au total, il est bien difficile de trouver une justification crédible à l’optimisme dont ont fait preuve les marchés financiers, durant ces derniers jours. Il est dès lors prudent de méditer à nouveau sur l’exubérance qu’on leur prête, et aussi de se préparer à une période de forte volatilité des titres.

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