" Osons un débat éclairé "

Où vont les actions, avant que les banques centrales ne gâchent le jeu, avec ce variant du virus ?


Les bourses chutent, inquiètes d’un variant du Covid-19 qui résisterait aux vaccins : vers 34 700 pour le Dow Jones et 6 700 pour le CAC 40. Nous ne sommes plus aux sommets : 36 400 pour l’un il y a quelques jours, au-delà de 7 150 pour l’autre. Comment empêcher la glissade, en espérant remonter ? Jean-Paul Betbeze revient sur le rôle capital des banques centrales.


 

Ce sont les questions que se posent les directeurs financiers et les gestionnaires d’actifs, avant que la Banque centrale américaine (la Fed) puis, plus tard, la Banque centrale européenne (BCE), ne viennent gâcher un peu plus l’ambiance, en augmentant leurs taux d’intérêt.

Le risque, de la part de la Fed puis de la BCE, c’est en effet de faire plus peur encore que le variant qui vient. Les marchés et les directeurs financiers se souviennent de la petite histoire du « bol de punch » que racontait Alan Greenspan pour expliquer, pourquoi et comment, il fallait augmenter les taux au moment même où tout allait bien, pour éviter le « trop bien ». Autour du bol de punch, l’ambiance monte, les bourses aussi, avec le degré d’alcool des convives. Donc, avant d’éviter les excès, la bulle des actions qui crève et entraîne récession et mal de tête, il faut calmer le jeu. Préventivement, il faut monter les taux, éloigner le bol.

Une inflation élevée… et transitoire ?

Aujourd’hui ce n’est pas le cas. La Fed, puis la BCE, ne font plus comme avant et les marchés se disent qu’elles vont aider encore. L’inflation américaine atteint pourtant 6,2% sur un an en octobre et celle en zone euro 4,1%, et non 2% comme attendu, les deux étant jugées assez « transitoires ».


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Aux États-Unis, le bol de punch s’éloigne avec d’infinies précautions. Les achats de titres publics et privés à long terme (quantitative easing) devraient cesser en juin 2022, sans que l’on sache comment la Fed va réduire ensuite son portefeuille, ni augmenter ses taux courts, autrement dit gérer la montée de la courbe des taux.

Des trésors de circonvolutions sont utilisés : la Fed vise 2% en moyenne, sur moyenne période, voulant être « modérément au-dessus de ce chiffre », compte tenu du fait que l’inflation a longtemps été au-dessous. Mais peut-on dire que 6,2% est « modérément » au-dessus de 2%, chiffre dépassé depuis mars ? L’ignorance est plus forte vis à vis de la BCE. Viser une inflation moyenne n’aide pas à gagner en précision, sauf si les marchés se disent que les banques centrales auront peur d’aller un peu plus vite et de monter les taux, dans une reprise à consolider.

Le boom des introductions en bourse et des fusions acquisitions

Les marchés financiers jouent donc les prolongations. Jamais les introductions en bourse n’ont été aussi faciles et, surtout, les fusions acquisitions si importantes. Les fusions par échange de titres ne posent pas de problème et battent tous les records à 3 900 milliards de dollars au 31 août de cette année, contre 2 350 en moyenne au cours des six années précédentes. Si le prix d’achat est jugé élevé, comme celui d’Engie par Bouygues, il est assez vite absorbé.


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Cette analyse pilote les politiques économiques et financières des entreprises : distribuer des dividendes et, surtout, racheter leurs actions. Distribuer des dividendes, même si, comptablement, il s’agit d’un transfert de liquidités de l’entreprise vers l’actionnaire, comme quand on va au distributeur de billets : on n’est pas plus riches ! Dès lors, la logique des entreprises n’est pas comptable, mais boursière : l’actionnaire comprend que l’entreprise qui lui verse son dividende lui promet, au moins, un même dividende l’an prochain.

Le rachat d’action est un engagement plus fort encore sur l’avenir : l’entreprise n’a pas besoin d’autant de fonds propres pour avancer. Elle n’est pas en panne d’idées pour rentabiliser au mieux son capital : elle se juge même assez forte avec moins… ce qui devrait motiver une montée des cours.

Les banques centrales sont faites pour gâcher le jeu

Cette politique des entreprises, avec moins de fonds propres et plus de promesses, au moment où une autre vague de la pandémie arrive et où les taux d’intérêt devraient monter pour calmer l’inflation et donc la reprise, inquiète.

Les banques centrales sont faites pour gâcher le jeu car, plus encore que lutter contre l’inflation, elles doivent stabiliser l’économie et tenir la monnaie. Incorrigibles, les marchés financiers cherchent jusqu’où aller trop loin. Alors, les banques centrales viennent pour ramasser les morceaux du bol de punch.

Mais aujourd’hui, seul le variant d’Afrique du Sud importe. Les banques centrales attendront donc, souhaitons que cela suffise !

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