" Osons un débat éclairé "

Paris doit rester une place boursière

La crise a conforté de nombreux responsables dans leurs doutes quant à l’intérêt de la finance pour l’économie. Les études empiriques disponibles, qui sont partagées à propos de la contribution du crédit à la croissance économique, semblent leur donner raison. Cependant, ces études sont aussi quasi unanimes quant à la contribution positive d’une Bourse à l’économie nationale Elles montrent ainsi que l’existence d’une Bourse est particulièrement bénéfique au financement de l’innovation et aux gains de productivité, plus qu’à l’accumulation de capital physique.

Les canaux par lesquels une Bourse exerce ses effets bénéfiques sont multiples. En assurant la liquidité des titres qui peuvent être cédés à tout moment en Bourse, elle facilite le financement des projets longs. Ce faisant, elle incite les investisseurs à se tourner vers des placements plus risqués, porteurs d’innovations.

On pourrait cependant faire valoir que ce service de liquidité n’impose pas une Bourse nationale : Londres ne peut-elle pas tout aussi bien que Paris assurer la liquidité du marché français, pourvu qu’il y ait liberté de mouvement des capitaux entre nos deux pays ? Mais, l’apport d’une Bourse à l’économie nationale ne se limite pas à la liquidité. Avec une Bourse viennent aussi tout un ensemble de compétences hautement qualifiées et de services à très haute valeur ajoutée ainsi qu’une capacité d’innovation financière. La Bourse constitue un pôle d’attraction pour une multitude d’autres services et activités. Surtout, elle attire et incite à retenir les centres de décision ainsi que l’information économiques sur le territoire, et avec eux les capitaux. De fait, l’existence d’une Bourse constitue aujourd’hui, pour une capitale, une condition sine qua non de son statut international. Les capitales qui ne disposent pas de Bourse sont condamnées à la « provincialisation » économique et à son corollaire, le déclassement de leur population, et notamment des rémunérations.

Pour un pays comme la France, qui a prohibé les fonds de pension et qui se trouve, de ce fait, confronté à une insuffisance structurelle de fonds propres et de capitaux longs d’origine nationale, la présence d’une Bourse est encore plus stratégique. Elle est même vitale. Et, elle l’est d’autant plus que la régulation financière de Bâle III réduit la capacité des banques françaises et européennes à financer l’économie et rend nos entreprises beaucoup plus dépendantes du marché des capitaux et de la Bourse que par le passé. Nous devons donc tout faire pour conserver à Paris une Bourse active et attractive au plan international, tant pour assurer un financement long suffisant et durable de notre économie que pour éviter la « provincialisation » de Paris.

Mais une Bourse est un écosystème qui dépend de la qualité et du dynamisme de la place financière qui l’accueille, notamment de ses capacités d’interconnexions routières, ferroviaires, aériennes et informationnelles. De ce point de vue, les conditions d’accès et de circulation rendues de plus en plus difficiles enlèvent de son attractivité à Paris comme en plus difficiles enlèvent de son attractivité à Paris comme place financière. De même, l’environnement social et fiscal français n’est guère attractif. Et, le projet de taxe sur les transactions financières, porté par les pouvoirs publics français, ne ferait qu’aggraver la situation, non point tant parce qu’il inciterait les flux de capitaux à se déplacer vers Londres, la négociation d’un bon accord international pourrait y parer pour peu qu’on sache le négocier, que parce qu’il rendrait les arbitrages financiers plus coûteux et remettrait en cause la fluidité qui fait l’avantage comparatif de la Bourse par rapport à la banque. Il pénaliserait plus particulièrement les pays comme la France qui, en l’absence de fonds de pension, ne disposent guère d’autres sources de financements longs et de fonds propres que la Bourse.

Aujourd’hui, le maintien d’une Bourse dynamique à Paris ne dépend donc pas seulement de la bonne volonté du marché, mais aussi de celle de la Ville de Paris et du gouvernement.

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