" Osons un débat éclairé "

Le prix du pétrole est-il imprévisible ?

Le pétrole coté à New York et à Londres a inscrit, vendredi 12 janvier, à la clôture, un nouveau plus haut depuis décembre 2014, porté notamment par des propos du ministre russe de l’Energie évoquant le rééquilibrage en cours sur le marché mondial. Jean-Marie Chevalier dresse les perspectives du secteur dans un contexte international de plus en plus compliqué.

Le prix du baril de pétrole vient de dépasser les 60 dollars, un niveau jamais atteint depuis quatre ans. Est-ce l’annonce d’une remontée durable des prix, ou un mouvement conjoncturel de volatilité ?

Pour répondre à cette question, il faut évoquer la géopolitique complexe et turbulente de la scène pétrolière internationale. Le changement majeur de ces dernières années, c’est la montée en puissance des Etats-Unis. Alors que l’on pensait que ce pays devrait importer massivement du pétrole et du gaz, il est en passe de devenir un exportateur net d’hydrocarbures vers 2020-2025.

Ce qui commande cette évolution, c’est le développement fulgurant du gaz, puis du pétrole de schiste. Des centaines d’entreprises produisent massivement ces hydrocarbures par fracturation hydraulique et elles réalisent des gains de productivité assez inattendus, même lorsque le prix du pétrole est inférieur à 50 dollars. L’annonce récente d’une baisse des réserves américaines doit être vue avec circonspection car nul ne sait vraiment quel est le potentiel exact des réserves de pétrole et de gaz de schiste à différents niveaux de prix.

L’ouverture à l’exploration de nouvelles zones par le Président Donald Trump devrait par ailleurs accroître les réserves disponibles mais il faut attendre quelques années pour en connaître l’ampleur. Les Etats-Unis ont donc pris place parmi les trois premiers producteurs mondiaux de pétrole brut avec la Russie et l’Arabie saoudite. Par ailleurs, la levée des restrictions sur le commerce des produits raffinés (exportations et importations) amplifie le rôle du pays, et plus particulièrement du Golfe du Mexique, sur le marché mondial du pétrole et du gaz naturel.

En dehors des Etats-Unis, la géopolitique du pétrole s’est complexifiée. Les pays de l’OPEP sont davantage divisés, avec des pays en crise (Libye, Nigeria, Venezuela), des conflits nouveaux entre les pays du Golfe, et de nouvelles difficultés pour réguler le marché. En effet, au-delà de l’accord entre l’OPEP et une dizaine de pays non OPEP (dont la Russie et le Mexique), la production américaine de centaines de compagnies ne peut pas être régulée par un accord. De ce fait, le pouvoir de régulation que pouvait exercer l’OPEP, depuis la crise de 2008, est maintenant très limité. Ajoutons à cela le cas de l’Iran dont la « liberté pétrolière » dépend en partie d’un accord fragile sur le nucléaire que les Etats-Unis souhaiteraient remettre en cause.

Du côté de la demande, la situation est assez incertaine. Beaucoup de pays riches paraissent avoir atteint et dépassé la demande pétrolière maximale (la peak demand). C’est probablement le cas des Etats-Unis, du Japon et de l’Union européenne. Ces pays cherchent à diminuer leur demande, à promouvoir davantage d’efficacité et à diversifier leurs formes de mobilité. Du côté des pays en développement, la demande continue à croître, mais, dans les années qui viennent, elle pourrait être limitée par des normes, des taxes, et un souci de diversification.

En conclusion, il est impossible de dire que les prix actuels reflètent une tendance lourde d’augmentation des prix. Ils reflètent un équilibre complexe et mouvant qui dépend d’un très grand nombre de données macro et microéconomiques, géopolitiques et financières qui se combinent de façon non strictement prévisible, avec de très nombreuses incertitudes, et qui accentuent le potentiel de volatilité des prix, sachant qu’il faut combiner pétrole brut et produits raffinés, pétrole et sources d’énergie alternatives. L’avenir énergétique sera davantage diversifié mais la fin du pétrole n’est pas pour demain, quel que soit le prix…

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