" Osons un débat éclairé "

Quelle place pour les opérateurs privés au sein d’un secteur du transport concurrentiel ?

Les grèves qui bloquent actuellement le transport ferroviaire opposent la défense du monopole public, avec agents « à statuts », et un modèle plus concurrentiel impliquant des entreprises de natures variées (publiques, privées, françaises ou étrangères). Anne Perrot livre les éléments qui permettent d’avoir la vision la plus pertinente pour assurer un système de transport performant et viable en France.

Remarquons tout d’abord que le transport a connu au cours des décennies passées de nombreuses réformes, qui ont en général consisté à ouvrir les activités à la concurrence. C’est le cas du transport aérien : aux monopoles nationaux  des compagnies «porte-drapeau»  a succédé une politique de «ciel ouvert», responsable en grande partie du développement du tourisme dans les destinations lointaines, pour le meilleur ou pour le pire. C’est aussi le cas le cas du transport routier de marchandises, aujourd’hui accusé d’être trop polluant et de ne pas payer ses coûts, mais qui a permis en son temps d’abaisser le prix du transport pour les entreprises utilisatrices et in fine pour les consommateurs. C’est encore le cas du transport par car, international ou plus récemment, intérieur – les fameux « cars Macron » -, qui sont venus proposer, à des prix très attractifs, des destinations que le transport ferroviaire avait abandonnées.

Subventions croisées

La question de la concurrence s’envisage très différemment selon que l’on s’intéresse, dans le cas français, au TGV, aux transports interurbains, ou aux «transports du quotidien» principalement consacrés aux trajets domicile travail. Si certaines liaisons sont rentables et peuvent donc susciter l’appétence d’opérateurs privés, d’autres ne le sont pas à des prix acceptables pour les voyageurs. Dès lors, les monopoles publics lorsqu’ils sont en charge de l’ensemble des liaisons, opèrent en pratiquant des subventions croisées, les profits obtenus sur les liaisons rentables finançant les lignes déficitaires.

Mais un tel système n’est plus possible dès lors que l’ouverture à la concurrence intervient, sous peine d’écrémage des liaisons rentables par des opérateurs qui ne desservent pas les lignes moins alléchantes. Pourquoi alors casser cet «équilibre» en ouvrant à la concurrence ? Le plus souvent ce qui pousse à l’ouverture à la concurrence est la recherche de l’efficacité. C’est une observation générale que, aiguillonnées par la présence de concurrents, les entreprises qui opèrent sur les marchés concurrentiels innovent plus, techniquement et commercialement, et proposent des prix plus bas.

Maintien des missions de service public

Mais ouvrir à la concurrence ne signifie pas renoncer aux contraintes de service public. La puissance publique peut parfaitement  imposer la desserte de liaisons non rentables, pour des raisons de continuité territoriale par exemple. Dans ce cas l’intervention publique est utile pour spécifier les contraintes (niveau et qualité du service) et la manière dont le service sera financé (subvention, péréquation tarifaire sur des paquets de lignes), mais ces obligations peuvent évidemment être remplies par des  opérateurs privés choisis après une mise en concurrence.

Par ailleurs, l’ouverture à la concurrence ne signifie pas nécessairement la présence simultanée de plusieurs opérateurs sur un même réseau de transport (concurrence «sur» le marché) : la concurrence «pour» le marché permet de mettre en concurrence plusieurs opérateurs, l’un d’eux se voyant finalement attribuer le marché à l’issue d’un processus d’enchères. C’est ainsi que la RATP, initialement opérateur de transport urbain parisien, a remporté plusieurs marchés en France et à l’étranger.

La réussite de l’ouverture à la concurrence exige ainsi de combiner différentes modalités suivant les marchés afin de tirer le meilleur parti de l’efficacité des opérateurs.

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