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Quelles raisons expliquent l’abandon des méga fusions ?

3b00ac1497651e5c53f7aa533c3cc4cc-627x313Avec le printemps, des projets de fusions industrielles ont fleuri de part et d’autre de l’Atlantique. Nombre de ces opérations n’ont pas abouti. Du moins pour l’instant. Anne Perrot explique les mécanismes de rupture, indépendants de la conjoncture.

 

Orange renonce à se marier avec Bouygues et Pfizer avec Allergan ; Halliburton et Baker Hughes abandonnent leur projet de fusion : les derniers mois ont été riches en tentatives avortées de rapprochement. Sous cette liste d’échecs se cachent, cependant, des réalités bien différentes les unes des autres, qui méritent de revenir sur les motifs de ces gigantesques concentrations et sur les raisons variées de leur abandon.

Les fusions sont classiquement motivées par la recherche de gains d’efficacité : par exemple dans les industries à rendements croissants, l’acquisition d’une grande taille d’opérations permet d’abaisser les coûts unitaires et d’accroitre les profits, comme dans la pharmacie où les coûts de recherche et développement jouent un rôle important. Cas similaire, celui où les brevets détenus par deux entités séparées peuvent être combinés entre eux pour proposer de nouveaux produits. Les économies d’envergure, plus généralement, permettent de produire à moindre coût toute une série de produits connexes en mettant en commun certains processus de production, mais aussi les forces de commercialisation et de promotion.

Mais les fusions peuvent aussi avoir un caractère défensif : une entreprise peut vouloir en racheter une autre pour éviter qu’un concurrent ne le fasse. La configuration du tableau final peut avoir assez peu de choses à voir avec les gains d’efficience. C’est ce qui permet d’expliquer le constat souvent négatif tiré de l’observation de la situation après la fusion. Dans le cas d’une fusion défensive, le bon « contrefactuel » est non la situation observée avant fusion, mais celle où une fusion différente aurait eu lieu.

En fusionnant, des entreprises qui opèrent dans des domaines proches risquent aussi de faire disparaître mutuellement une source de pression concurrentielle bénéfique pour les fournisseurs et les acheteurs. C’est pourquoi les autorités de concurrence évaluent ces risques et analysent les projets de concentrations en mettant en balance ces divers effets, positifs et négatifs, en envisageant leurs conséquences pour les clients et les fournisseurs. Parfois, cet examen met en évidence des problèmes de concurrence, qui n’interdisent pas nécessairement le rapprochement, mais conduisent les autorités à imposer des « remèdes », en principe proportionnés aux effets identifiés. En gros, il s’agit d’obtenir de la concentration « la chèvre et le chou » : la réalisation des synergies et gains d’efficacité, sans les effets négatifs sur la concurrence.

Tous ces processus, très variés dans leurs fondements économiques, expliquent chacun une partie des échecs des fusions. Certaines avortent parce que les synergies sont insuffisantes, d’autres parce que les autorités de concurrence imposent des remèdes qui risquent de priver l’entité fusionnée des gains anticipés, d’autres encore parce que les parties ne trouvent pas d’accord sur le prix de vente, ce dernier cas de figure étant souvent observé lorsque la cible pense pouvoir être rachetée par d’autres acquéreurs et fait monter les enchères. Reste encore la configuration où ce qui motive le rapprochement est la recherche d’un optimum fiscal. Et dans ce cas les autorités de concurrence ont bien du mal à mettre des gains pour le consommateur en face des risques concurrentiels.

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