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Référendum italien : prochain « stress test » pour la zone euro

1792Après avoir passé le cap des mille jours au Palazzo Chigi, Matteo Renzi s’avance vers une épreuve capitale : le référendum du 4 décembre, destiné à amorcer une réforme des institutions, scrutin auquel il a hâtivement lié son destin politique, le tout sur fond de fragilité financière de la péninsule.

Le projet du Premier ministre italien est de rompre avec un bicaméralisme « chimiquement pur », les deux Chambres parlementaires étant dotées de pouvoirs équivalents. Cet équilibre a bien préservé l’Italie de la résurgence d’un pouvoir central fort et éloigné les fantômes de l’avant-guerre. Mais au prix d’un certain immobilisme législatif, aggravé par une instabilité politique chronique, la république septuagénaire ayant épuisé un gouvernement par année, en moyenne.

La réforme soumise aux électeurs italiens prévoit de réduire le nombre de sénateurs à 100 (contre 315) et de restreindre leur pouvoir dans l’approbation des lois. Le projet modifierait aussi les prérogatives de l’Etat et des régions, donnant le primat à Rome pour les causes d’« intérêt national » (concernant les grandes infrastructures, énergétiques par exemple). Mais l’âpreté de la campagne, entre tenants du « si » et du « no », s’explique hors du périmètre du texte : la rupture de symétrie entre les Chambres est vécue comme l’ouverture de la boîte de Pandore, laissant entrevoir des transformations institutionnelles plus profondes et, in fine, une refonte du socle de la République italienne.

Pour Matteo Renzi, l’enjeu du référendum est autant externe qu’interne, tant il lui faut obtenir un résultat symboliquement fort après le coup d’éclat de la réforme du marché du travail en mars 2015 (qui n’a pas encore inversé la courbe du chômage…). Il doit redorer son blason de réformateur pour regagner du poids dans l’UE et raffermir l’attractivité de l’économie italienne auprès des investisseurs.

Cette nécessité d’un sursaut dans la mandature de Matteo Renzi s’inscrit dans un contexte de croissance atone (0,8 % pour 2016 et 0,9 % en 2017, selon l’Istat) et d’anémie financière : la Bourse de Milan a reculé d’un tiers en un an (contre -7 % environ pour le CAC 40 et le DAX), les taux obligataires à 10 ans remontent depuis la fin août (de 1 à 2,1 %, sensiblement au-dessus du niveau espagnol depuis l’été), tandis que les bilans bancaires seraient lestés de créances douteuses à hauteur de 17 % des encours (selon la BCE). Certes, le gouvernement Renzi a fait adopter un « decreto banche » au printemps dernier, afin d’accélérer les procédures de recouvrement des dettes, mais sans parvenir à lever l’inquiétude sur la solidité du système et à convaincre de la capacité des banques transalpines à renforcer leurs fonds propres. Monte dei Paschi di Siena devra réussir à boucler la recapitalisation de 5 milliards d’euros avalisée par ses actionnaires le 24 novembre, tandis qu’UniCredit chercherait à lever 13 milliards d’euros.

Tout est réuni pour que la vulnérabilité de l’économie italienne transforme mécaniquement ce référendum, en cas de « no » majoritaire, en nouveau « stress test » pour la zone euro. Une crise gouvernementale, avec ou sans démission de Matteo Renzi, ouvrirait sur une période d’incertitude aiguë : une hausse plus sensible des taux tendrait considérablement la gestion d’une dette publique historiquement supérieure à 130 % du PIB.

La situation est suffisamment sérieuse pour que la BCE, dans sa « Revue de stabilité financière » de novembre 2016, prévienne qu’ « un nouveau choc macroéconomique pourrait mettre en question la soutenabilité des finances publiques de la zone euro ». Dans ce contexte, l’entrée en scène d’un autre Italien, Mario Draghi, sera particulièrement scrutée le 8 décembre, lors de la réunion de politique monétaire de la BCE.

Anna Creti et Patrice Geoffron,  professeurs à l’université Paris Dauphine.

 

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