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Réforme de l’assurance chômage : il faut agir maintenant

L’assurance chômage joue un rôle essentiel dans la crise sanitaire et économique que nous connaissons. En remplaçant le revenu des personnes privées d’emploi, elle stabilise la consommation et l’économie dans son ensemble. La France offre dans ce domaine un haut niveau de protection. Elle indemnise plus rapidement – dès 4 mois de travail – et plus longtemps – jusqu’à 2 ans – que la majorité des pays de l’OCDE. Cela conduit naturellement à de forts déficits en période de hausse du chômage : 17 milliards en 2020 et 10 milliards prévus en 2021. Ce ne serait pas problématique si, à la faveur de la reprise économique, le régime était tout autant en capacité de générer de forts excédents. Or, au cours des deux dernières décennies l’assurance chômage n’a été en excédent que 5 années. La dette cumulée atteint désormais 70 milliards d’euros. Au vu des performances passées, cette dette sera léguée aux futures générations à défaut d’une réforme d’ampleur.

Tout d’abord, l’assurance chômage n’est pas suffisamment contra-cyclique. Dans certains pays –Canada, États-Unis–  la durée d’indemnisation varie automatiquement en fonction du taux de chômage : elle augmente lorsque ce dernier dépasse un certain seuil et baisse à nouveau quand il repasse sous ce seuil. On pourrait s’en inspirer et instaurer par la loi le principe d’une durée maximale d’indemnisation, ou d’une durée minimale de travail exigée pour ouvrir des droits, variant en fonction du taux de chômage. Il en résulterait non seulement un retour plus rapide à l’équilibre financier, mais aussi une accélération de la baisse du chômage. En effet, de nombreuses études empiriques démontrent que l’intensité de la recherche d’emploi est sensible aux conditions d’indemnisation lorsque les perspectives économiques s’améliorent.

Ensuite, l’indemnisation ne devrait jamais permettre de disposer d’un revenu mensuel plus élevé lorsqu’on est au chômage que lorsqu’on travaille. Ce genre de situation, pourtant contraire au principe assurantiel, survient fréquemment pour les salariés en contrats courts, du fait du mode de calcul du salaire journalier qui sert de référence à l’allocation. Ce calcul neutralise en effet les jours non-travaillés. La reprise d’emploi en CDD très courts, avec des allers-retours vers le chômage, s’en trouve ainsi favorisée. Ce phénomène sera encore plus visible au moment de la reprise, d’autant que du côté des employeurs le recours excessif aux CDD n’a aucun coût. La réforme en cours de discussion vise justement à changer le mode de calcul du salaire de référence tout en instaurant, en parallèle, un bonus-malus faisant varier les cotisations employeurs en fonction du nombre de fin de contrats.

Enfin, l’assurance chômage souffre d’un manque de consensus entre ceux qui la gouvernent. Depuis l’échec des négociations en 2019, l’État décide seul. Son poids est important puisqu’il finance un tiers du régime, garantit sa dette, et a de surcroît élargit son accès aux indépendants. Les représentants des salariés et de employeurs sont pourtant au plus près des transformations du marché du travail et doivent pourvoir influencer l’avenir du régime. Il faut donc inventer une véritable instance de négociations tripartite réunissant l’État, les syndicats et les organisations professionnelles autour d’une même table. En amont, un Haut conseil de l’assurance-chômage veillerait à créer un accord sur les perspectives du régime, et l’effet de ses diverses règles sur les trajectoires individuelles.

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