" Osons un débat éclairé "

Quelle rentrée pour le marché pétrolier ?

1025262319Depuis trois ans, le baril déprime et l’horizon semble n’offrir aucune nouvelle perspective pour les multinationales du secteur et leurs équipementiers. Selon Patrice Geoffron, le pétrole est devenu un marché comme les autres, ne souffrant même plus les règles de régulation.

Courant 2015, la conviction d’une remontée significative des prix du pétrole en 2016 était largement répandue. Pourtant, le baril reste ancré sous une barre des 50 $ pour l’heure infranchissable et s’échange, en septembre 2016, aux mêmes prix qu’une année auparavant. Même si les niveaux observés actuellement sont moins délétères que ceux, inférieurs à 30 $, où a parfois gravité le baril (comme en janvier-février dernier), l’actuelle situation reste intenable pour la plupart des pays producteurs dont l’équilibre budgétaire n’est plus assuré pour la troisième année consécutive.

Certes, les équilibres économiques du Venezuela (une économie zombie) et de l’Arabie Saoudite (encore forte de quelques centaines de milliards de dollars de réserves) ne sont pas directement comparables. Mais, même dans le royaume saoudien, cette période de prix bas prolongés produit des effets structurels : après 30 années d’excédents, le déficit budgétaire tend vers les 20% du PIB, de sorte qu’un plan d’économie de 100 milliards de dollars a dû être adopté (fragilisant le « contrat social » en réduisant les subventions en tous domaines). Et au-delà des mesures d’urgence, une « Vision 2030 » a été dévoilée avant l’été avec comme objectif de diversifier l’économie à marche forcée pour réduire drastiquement la dépendance aux recettes pétrolières (et donc améliorer la résilience aux futurs chocs de prix). A cet horizon, le pétrole ne devrait plus peser, en direct, qu’environ 10-15% du PIB (contre près de 50% avant la chute des prix de 2014).

Vu du côté des producteurs, il y aurait donc urgence à inventer de nouveaux mécanismes de régulation des prix. Les ministres de l’Energie russe et saoudien ont esquissé un mouvement en ce sens, appelant conjointement, début septembre 2016, à une coopération étroite « entre les principaux pays exportateurs afin de soutenir la stabilité sur le marché du pétrole et garantir un niveau constant d’investissement sur le long terme ». Mais, comme cet appel n’a été assorti d’aucune mesure directe (sinon la création d’un groupe de travail chargé d’envisager des actions communes en ce sens), l’effet sur les prix a été éphémère.

Dès lors que l’Iran reste hostile à une limitation de sa production (pour tirer bénéfice de la levée partielle des sanctions après l’accord sur le nucléaire), la réunion informelle de l’OPEP du 26 septembre prochain, en Algérie, pourrait s’avérer aussi décevante que celle de Doha en avril dernier. Et, si les prix franchissaient à nouveau les 50$ sous l’effet d’un – très hypothétique – accord entre Arabie Saoudite, Russie et Iran, la production américaine (assez résiliente pour l’heure) repartirait à la hausse, empêchant un rebond vers le statu quo ante de 100 $ le baril (sauf, naturellement, en cas d’événement géopolitique majeur).

L’espoir se trouverait alors du côté de la demande, que l’OPEP anticipe à un niveau record en 2017, de sorte que l’excèdent de production s’estomperait, permettant une sortie de la trappe des 50$. Cette perspective nous révèle en fait que le pétrole est devenu un « marché » dont le prix résulte de fluctuations de l’offre et de la demande, sans aucun mécanisme de régulation efficace. L’Agence Internationale de l’Energie (dans ses prévisions à moyen terme), nous livre ce sidérant constat : « In 2016, we are living in perhaps the first truly free oil market we have seen since the pioneering days of the industry ».

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