" Osons un débat éclairé "

Romer et Nordhaus : deux Nobel pour améliorer notre futur

Les deux prix Nobel américains couronnés cette année nous apportent leur éclairage sur la manière de résoudre la crise climatique sans obérer la croissance.

Paul Romer et William Nordhaus, deux professeurs américains, se sont donc partagé le prix Nobel d’économie 2018. Les deux lauréats se sont tous deux souciés d’améliorer la croissance à long terme grâce à la science.

Paul Romer (NYU) se demande, dans les travaux à l’origine de son prix, pourquoi le Tchad croît à -1,8 % par an entre 1970 et 1981, les Philippines à 2,4 % et Singapour à 7,6 %. Sa réponse est celle de la croissance endogène, selon la manière dont la science est « mal » ou « bien » intégrée à l’activité économique. La « bonne » intégration permet des effets externes positifs, soutenant la croissance. Elle pourra être subventionnée. Plus tard, nommé chef économiste de la Banque mondiale en 2016, il en part quinze mois plus tard, critiquant ses biais trop libéraux.

William Nordhaus (Yale) se préoccupe aussi de la croissance à long terme, mais cette fois en liaison avec le réchauffement climatique. Là aussi, il s’agit de chercher une « bonne » intégration de la consommation de pétrole à la croissance, de sorte qu’elle ne fasse pas trop monter la température du globe, ne pesant ainsi pas trop sur la croissance future. La question est alors celle des effets externes négatifs de la consommation d’énergie, donc des taxations sur les émissions de carbone, pour en calculer les effets nets, optimiser la consommation d’énergie sur longue période, et la croissance avec.

Ces deux lauréats ont ainsi d’importants points communs : leur souci partagé est celui de la croissance à long terme et de ses conditions, avec les boucles d’innovation-croissance pour Romer, de consommation énergie-climat-croissance pour Nordhaus. Ces deux chercheurs ont également proposé et calculé des modèles sur la croissance à long terme. C’est Dice (Dynamic Integrated model of Climate and the Economy) pour Romer dès 1992, avec l’idée d’encourager la réduction des émissions de dioxyde de carbone et de limiter ainsi le réchauffement climatique. C’est aussi, avec Nordhaus, l’idée de montrer que la science peut résoudre ces problèmes, avec les bonnes informations, explications et incitations. S’alarmer, comme le fait le rapport de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change), publié le 8 octobre peut ne pas aider s’il fait penser que la solution est, ou bien trop coûteuse, ou hors d’atteinte.

C’est ainsi un « optimisme conditionnel » qui anime Romer, si les bonnes décisions sont prises.

La question est dorénavant de savoir la marque que laisseront ces deux Nobel d’économie. En comptant les références aux noms des précédents lauréats (Scientometrics 2014, Samuel Bjork et Avner Söderberg), on a pu voir que quatre cas se présentaient, que l’on peut schématiser. C’est d’abord « l’expert » qui est énormément cité avant et après l’annonce, puis graduellement moins, pensons à Tinbergen ou à Hicks. Ce sont ensuite « les persistants » (si l’on peut dire), avec une forte hausse de notoriété à l’occasion du prix, puis une légère baisse de niveau, mais sans déclin, comme Arrow ou Friedman. Vient « l’hétérodoxe », Hayek seul en fait, toujours en expansion régulière, presque en découverte continue. Viennent enfin « les réveilleurs », comme Sen, en notoriété toujours croissante.

Il est à souhaiter que ces deux lauréats, qui cherchent à intégrer science, climat et croissance, et à diffuser au mieux leurs idées, soient aussi deux réveilleurs. Par ces temps où le « climate change » est en question, la recherche critiquée et les migrations craintes, les apports des outils de l’économie mis en doute, voici deux lauréats avec leurs modèles, simulations, taxations, propositions d’ouvertures et soucis d’explications et de conviction. Ils nous donnent des éclairages à long terme, avec quelques sérieux espoirs : pas si fréquent !

 

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