" Osons un débat éclairé "

Salaires : quoi faire ?

La conscience d’inégalités accentuées par la crise, les tensions inflationnistes même probablement transitoires, les profits exceptionnels de certaines grandes entreprises, tout cela fait de la question salariale l’une des vedettes de cette rentrée.

Certes le pouvoir d’achat a été, depuis le début de la pandémie et jusqu’à maintenant, préservé grâce au « quoi qu’il en coûte ». Sauf pour certaines catégories : artisans, indépendants… Nous ne sommes plus au temps de la politique des revenus, venue « d’en haut ». Il revient à la négociation, dans le public comme dans le privé, de déterminer les augmentations de salaires dans le respect des équilibres financiers, des  contraintes de compétitivité et des situations spécifiques à chaque  secteur, voire à chaque entreprise. Ici la macro-économie ne disparaît pas, mais il faut la compléter par de l’indispensable granularité…

Coup de pouce exceptionnel sur le SMIC ?

Le débat est vif en Espagne, mais le contexte français est différent. Respectons les clauses de rendez-vous concernant l’évolution du salaire minimum. D’ici là, il faut privilégier des augmentations de salaires plus ciblées : sur les bas revenus, pour les secteurs en pénurie de main-d’œuvre (BTP, hôtels et restauration,…), sans perdre de vue que la moindre attractivité de certains métiers ne tient pas aujourd’hui qu’à des questions de salaires…

N’oublions pas non plus que la France connaît, plus que d’autres pays européens, le dualisme du marché du travail, ce clivage entre ceux qui ont un emploi et qui bénéficient des ajustements salariaux (les « insiders ») et ceux qui en cherchent (les « outsiders »). L’arbitrage entre le niveau des salaires et le volume de l’emploi demeure dans notre paysage pour une part non négligeable de la population active. Les inégalités intergénérationnelles ont été, non pas créées, mais renforcées par la pandémie. Beaucoup trop de jeunes, même diplômés, font partie des « outsiders ». La garantie jeunes et le probable revenu d’engagement en cours de préparation par le gouvernement ne peuvent être que des formules d’attente dans la transition, il faut l’espérer, vers de vrais emplois. Il faut absolument éviter que tous ces dispositifs, pétris de bonnes intentions, se transforment en trappes et installent encore un peu plus les jeunes parmi les « outsiders ».

La règle selon laquelle les salaires doivent grosso modo suivre l’évolution de la productivité du travail a des vertus : elle est une sorte d’armistice social puisqu’elle stabilise le partage du revenu global entre salaires et profits. Son application est cependant compliquée, car les gains de productivité varient d’une entreprise à l’autre, alors que les salaires ont une moindre divergence à niveau donné de qualification. Quoi qu’il en soit, la comparaison des dynamiques de salaires et de productivité suggère qu’en France il existe des marges pour un rattrapage salarial dans un certain nombre de cas.

Actionnariat salarié, intéressement, participation

Le potentiel de développement de ces diverses formules est patent en France, y compris dans les PME et ETI. Cela suppose d’élargir le champ d’application des textes en vigueur, mais surtout d’accélérer leur mise en œuvre. Il y a là des voies qui, par-delà leurs dimensions monétaires, assouplissent un peu la frontière entre le capital et le travail. Vu l’état des lieux en la matière, ce sont des dispositifs qui représentent pour l’instant des compléments plus que des substituts aux revalorisations salariales.

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