La politique de l’énergie et la diplomatie de Donald Trump ont bouleversé les fondamentaux du marché pétrolier, tant du côté de l’offre que de la demande.
Concernant l’offre, l’encouragement à une exploitation décomplexée du pétrole de schiste (amorcée sous Obama) a porté les États-Unis au premier rang mondial des producteurs. En 2030, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la production pourrait y croître d’au moins 50 %, aux alentours de 20 millions de barils par jour, presqu’autant que l’Arabie Saoudite et la Russie réunies. En parallèle, la politique moyen-orientale des États-Unis fait peser des incertitudes multiples sur la production iranienne, irakienne et sur les sites saoudiens par « ricochet ». Tant que planera une menace de conflit dans le détroit d’Ormuz, un emballement des prix très au-delà de 100 $/baril restera plausible. Mais, pour l’heure, le pétrole US suffit à maintenir les cours aux alentours de 60 $, sans capacité de l’OPEP et de la Russie (pourtant coalisées) à les faire remonter vers les 80 $ et au-delà (comme au début de la décennie 2010).
Concernant la demande, la guerre froide commerciale entre les États-Unis et la Chine a également pesé sur les volumes. Pour le futur, même après concrétisation d’un accord, la défiance de D. Trump à l’égard du libre-échange n’est pas favorable au « commerce lointain », ce qui créé des risques de résurgence de conflits commerciaux. Ces facteurs rendent la demande de pétrole plus incertaine encore à l’amorce de cette nouvelle décennie, d’autant que la lutte contre le changement climatique fait émerger (à un rythme certes insuffisant) des technologies de substitution : à nouveau selon l’AIE, en 2030, la consommation de pétrole pourrait varier de 110 à 80 millions de barils par jour, selon l’intensité de la lutte climatique.
Observons d’Europe cette nouvelle scène pétrolière.
Rappel d’une évidence : les Européens ne sont pas invités à ce « grand jeu » qui se joue quelque part entre Riyad, Moscou, et désormais Washington, de sorte que le prix du baril est une donnée totalement « exogène ». Pour la France, selon que le prix est au plus haut (aux alentours de 100 $ il y a 10 ans) ou au plus bas (sous le 50 $ au milieu de la décennie), la facture d’importations de produits pétroliers varie de 40 milliards d’euros (1,5 % du PIB).
Certes, deuxième observation, la néo-puissance énergétique américaine tire structurellement les prix vers le bas, offrant un « cadeau » massif aux grandes zones importatrices : la Chine et l’Europe. Mais, la diplomatie américaine laisse également planer la menace de chocs de prix qui pourraient renchérir les imports de 1 à 2% du PIB européen, sans possibilité de couverture d’un tel risque. La France a eu un aperçu de ses effets, la crise des gilets jaunes ayant surgit à la concomitance d’une montée de la fiscalité carbone et d’un sursaut du prix du pétrole.
Dernière observation : le Green Deal en cours d’élaboration par la Commission Européenne trouve son fondement dans la lutte climatique ; mais son bénéfice sera aussi de s’abstraire d’une dépendance à une matière dont la géopolitique nous échappe totalement. C’est également le mandat confié à la Convention Citoyenne pour le Climat : en proposant des mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030, les 150 Citoyens qui nous représentent répondront tout autant un enjeu environnemental que de sécurité collective pour la France.