" Osons un débat éclairé "

S’endetter plus pour diminuer notre dette

Après le cri d’alerte du FMI, évoquant le risque d’un déraillement de l’économie mondiale, c’est au tour de l’OCDE, dans ses dernières « Perspectives économiques » publiées le 28 novembre, de dénoncer le piège d’une croissance molle et de recommander de nouveaux assouplissements budgétaires. Il s’agit, à la fois, de soutenir la demande et, via l’investissement public (infrastructures, éducation, recherche), de juguler l’atonie de l’investissement privé et de la consommation. Et, en même temps, de contrecarrer le ralentissement des gains de productivité et les effets induits sur la faible progression des salaires.

Mais comment justifier un tel aggiornamento, hors de toute référence aux disciplines budgétaires et à la règle d’or du Pacte budgétaire européen dans la zone euro ? En rappelant qu’on ne sort d’une crise financière du surendettement qu’au terme d’un processus de désendettement. Mais on ne peut pas désendetter des économies sans croissance et sans inflation, même si les taux d’intérêt sont proches de zéro. Or, à ce jour, tant dans les pays développés que parmi les économies émergentes, le niveau d’endettement cumulé des ménages, des entreprises non financières et des Etats, en valeur ou rapporté au PIB, non seulement est toujours très élevé, mais il est plus important encore qu’avant la crise.

Cette configuration modifie profondément la dynamique macroéconomique. Les efforts de désendettement privé réduisent mécaniquement la dépense et accentuent le poids réel de la dette résiduelle ; l’incitation accrue à l’épargne contribue à l’offre excédentaire de biens et déprime l’investissement, ce qui ralentit la croissance à court terme et affaiblit la croissance potentielle à long terme. Paradoxalement, un choc d’offre positif, sous la forme d’une flexibilité accrue des salaires, conduit à une décélération des prix rendant plus difficile encore le désendettement.

Comment en sortir ? Le recours aux politiques budgétaires contracycliques, synonymes d’un endettement public accru, est l’une des seules solutions encore disponibles. On s’éloigne évidemment des anciens paradigmes en invoquant la croissance de l’endettement public dans un processus d’allégement des contraintes issues de l’endettement passé. Mais le paradoxe n’est qu’apparent car c’est le seul moyen, en soutenant la demande et la croissance, d’alléger le fardeau du désendettement. Ce n’est qu’après le retour de l’expansion que l’ajustement de l’endettement public doit intervenir, sans effet dépressif marqué. Les recommandations issues d’un tel raisonnement sont élémentaires : ne surtout pas abandonner les politiques monétaires non conventionnelles tant que la confiance n’est pas là, malgré leurs effets pervers sur les marchés d’actifs, tant que l’investissement et la consommation ne prennent pas le relais de la dépense publique, et, donc, n’y recourir que lorsque la reprise apparaîtra solide, y compris en recherchant un regain d’inflation de nature à alléger les charges réelles du « deleveraging » ; reporter les exigences d’ajustement budgétaire tout en prenant des engagements fermes sur le sentier de réduction future de l’endettement public, en engageant résolument, dès maintenant, des programmes massifs et pluriannuels d’investissement dans les infrastructures, les réseaux de communications, la recherche publique et la R&D, l’économie verte… permettant d’infléchir la chute des gains de productivité tout en soutenant la demande.

Il y a sans doute, dans ces options, un pari quant à la capacité des marchés à accompagner ce report du désendettement des Etats. Mais aujourd’hui les choix à faire ne concernent que de mauvaises solutions. Il faut donc choisir celles qui minimisent les coûts sociaux et qui hypothèquent le moins les chances de reprise durable de l’activité. Seules de nouvelles impulsions budgétaires permettront de sortir de l’atonie que l’on observe encore au niveau des comportements de consommation ou d’investissement.

 

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