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Une nouvelle gouvernance pour l’énergie

1158199_une-nouvelle-gouvernance-pour-lenergie-web-tete-021345248783_660x352pLa loi sur « la transition énergétique pour la croissance verte » introduit une nouvelle dynamique de la gouvernance énergétique qui sera probablement difficile à inventer et à piloter. Cette loi intervient à un moment où la libéralisation du secteur de l’énergie, issue des traités européens, marque de nouvelles étapes : fin des tarifs réglementés, révision des prix de reprise pour l’électricité renouvelable. Une nouvelle gouvernance est en train de se mettre en place. Elle combine différents niveaux : européen, national, territorial. Elle est fortement marquée par l’intervention de nouveaux acteurs : les collectivités locales, les mouvements de citoyens, les ONG, et aussi de nouvelles entreprises qui, dans une certaine mesure, réinventent l’énergie en combinant l’ouverture à la concurrence et la digitalisation. De nouveaux business models apparaissent et tendent à bouleverser les modes de gouvernance traditionnels.

La politique énergétique n’est plus l’apanage de l’Etat et des grandes entreprises monopolistiques. Le Grenelle de l’environnement a d’abord incité les régions à construire des plans régionaux climat-énergie et ceci a beaucoup mobilisé les acteurs locaux. Par ailleurs, la libéralisation du secteur a entraîné une déconstruction des chaînes de valeur qui favorise l’entrée de nouvelles entreprises dans les énergies renouvelables, la gestion de la demande, les stratégies d’efficacité énergétique. Le programme des « investissements d’avenir », conduit par l’Ademe dans le cadre du grand emprunt, a multiplié les projets énergétiques locaux qui vont dans le sens de la transition énergétique : combinaison des ressources énergétiques, dont les ressources locales, diversification et expérimentations de nouvelles technologies, amélioration de l’intelligence énergétique.

Cette intelligence énergétique va bien au-delà des réseaux (« smart grid ») ; le qualificatif de smart peut recouvrir les logements collectifs, les maisons individuelles, les bâtiments industriels ou commerciaux, la gestion combinée de l’offre et de la demande. Ces initiatives énergétiques combinent l’action de collectivités locales avec des entreprises publiques et privées, grandes et petites, qui aboutissent à une redéfinition complète de la problématique énergétique, appréhendée par la base et non plus par le haut. Les sociétés d’économie mixte, les coopératives, les associations diverses jouent un rôle considérable dans cette mutation.

Cette ébullition énergétique locale, que l’on retrouve dans de nombreux pays européens, pourrait avoir pour effet de mettre à mal une « rationalité énergétique nationale » à laquelle nous sommes historiquement habitués : solidarité interrégionale, péréquation tarifaire, service public. Il faut donc inventer de nouvelles articulations de gouvernance entre le niveau national et ces multiples actions, initiatives, parfois oppositions régionales. Une certaine solidarité devrait être maintenue au travers de la fiscalité mais le chantier est complexe.

D’une façon générale, les affaires du barrage de Sivens et de la construction d’un transformateur projeté par RTE en Aveyron montrent que certains investissements ne peuvent plus être imposés n’importe où. Les initiatives locales comportent une importante dimension de participation des citoyens et cette participation dépasse les frontières de l’énergie.
En septembre 2014, le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie a lancé un appel d’offres pour des projets de territoires à énergie positive. Les réponses ont été au-delà des espérances : 528 collectivités réparties sur l’ensemble du territoire ont répondu à l’appel. Les projets ont une composante énergétique mais concernent aussi l’écologie et l’aménagement du territoire. Par le biais de l’énergie, les citoyens s’intéressent à l’environnement quotidien au sein duquel ils vivent : transports, qualité de l’air qu’ils respirent et de l’eau qu’ils boivent, traitement des déchets. C’est une ouverture vers l’économie circulaire, une réduction géographique des chaînes de valeur et de nouvelles formes de croissance. Le mouvement mondial des « villes intelligentes » et des « territoires intelligents » est un phénomène nouveau, porteur d’innovation et d’expérimentation. C’est une nouvelle qualité de croissance qui est inscrite en filigrane.

 

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