" Osons un débat éclairé "

Union bancaire TTC

Agnès Bénassy-Quéré

Agnès Bénassy-Quéré

L’union bancaire est en route. La BCE s’active pour examiner les bilans des banques de la zone euro, avec des exigences renforcées en matière de fonds propres. Pour les banques, ce n’est pas une partie de plaisir. Il faut dire que renforcer les fonds propres, c’est réduire la rentabilité pour les actionnaires. Imaginez, que vous soyez banquier et que je sois votre actionnaire. J’ai investi 100 euros dans votre banque. Vous avez prêté cette somme à Michel Barnier, au taux de 3%. Supposons pour simplifier que vous n’ayez aucun frais. Vous me versez donc un dividende de 3 euros par an ; la rentabilité de mon capital est de 3%. Maintenant, par souscription auprès des auditeurs des Matins, vous contractez un emprunt de 900 euros à 2% d’intérêt. Vous prêtez à présent 100+900, soit 1000 euros à M. Barnier, toujours à 3%. Chaque année, ce dernier vous verse non plus 3 mais 30 euros. Vous payez 18 euros à vos créanciers (2% de 900 euros). Il vous reste 12 euros que vous me reversez en dividendes. La rentabilité de mon investissement est passée miraculeusement à 12%. Bingo. Mais si jamais M. Barnier ne verse pas les 30 euros, vous devez quand même en payer 18 aux créanciers en puisant dans les 100 euros de capital. Je ne reçois plus aucun dividende. Zéro. Pire, si votre débiteur ne rend pas son emprunt de 1000 euros, vos 100 euros de fonds propre sont bien loin de pouvoir rembourser votre dette de 900 euros, et c’est la faillite. Que va-t-il se passer ? Avant l’union bancaire, l’Etat vous aurait renfloué pour éviter que votre faillite n’entraîne d’autres banques et finalement un effondrement du crédit. Désormais, c’est moi qui me fais plumer, et après moi, vos créanciers qui ont été inconscients de vous prêter. Pour prévenir ces catastrophes, on va vous obliger à réduire votre endettement. Cela limitera le risque mais aussi, naturellement, la rentabilité pour l’actionnaire.

Le contribuable sera-t-il protégé ? Il se peut qu’on soit malgré tout obligé de faire appel au moins temporairement à lui pour restructurer une banque. Ne pas le faire, ce serait comme au Japon il y a 20 ans laisser vivoter des banques zombies incapables du moindre prêt. Pour parer à cette éventualité, l’union bancaire sera dotée d’un fonds de restructuration alimenté par les banques elles-mêmes. Mais ce fonds sera de taille limitée, ce qui explique pourquoi le contribuable devra peut-être contribuer lui aussi. On peut alors se demander comment faire participer les banques à hauteur des enjeux pour épargner le malheureux contribuable.

Il y a peu, le FMI a proposé de taxer les banques en proportion de la somme de leur masse salariale et de leurs profits. Une façon de compenser le fait que les activités financières ne sont pas soumises à la TVA, ce qui favorise ce secteur par rapport aux autres. Une telle taxe serait plus efficace pour lever des fonds et moins pénalisante que la fameuse taxe sur les transactions financières – celle-ci ayant le gros défaut de porter sur des flux bruts, ce qui amène à payer des impôts sur les impôts. La France et le Danemark ne sont pas loin du compte avec leurs taxes sur les salaires dans le secteur financier. Pourquoi pas transférer ces taxes au niveau européen ? Adosser l’union bancaire à une ressource dite « propre ». Voilà un beau projet pour le futur parlement européen : une union bancaire TTC.

Chronique diffusée sur France Culture le 22 mai 2014

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