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La valeur EDF peut-elle survivre à la loi de transition énergétique ?

850b2e3a74085fa90bb8ded22d546b6d-627x373EDF ne peut plus faire face à ses échéances financières en raison de la baisse des prix de l’électricité. L’énergéticien est-il dans l’œil du cyclone à cause de la loi de transition énergétique ? Selon Patrice Geoffron, EDF doit évoluer dans un contexte bien particulier à la France.

EDF se trouve confronté à des turbulences aussi vives que celles traversées par Orange (alors « France Télécom ») au début des années 2000 et qui avaient conduit l’opérateur historique des télécommunications à un endettement record pour son secteur. Les difficultés rencontrées par les deux champions français ont des origines communes (l’ouverture à la concurrence dans le contexte européen), mais celles qu’affronte EDF relèvent surtout des incertitudes d’un secteur en transition et dont toutes les utilities européennes portent aujourd’hui les « stigmates ».

La loi de transition énergétique, votée l’été dernier, a pour ambition de diminuer les émissions de CO2 de 40 % en 2030. La réduction massive du recours aux énergies fossiles (-30% en 2030) et l’amélioration de l’efficacité énergétique (rénovations massives des bâtiments, division par deux des consommations énergétiques en 2050,) laissent espérer un progrès économique et de gain en sécurité collective (réduction des imports de fossiles) pour la France.

Les difficultés rencontrées par EDF ne seraient donc que la traduction hexagonale de problèmes « transitoires » que rencontre l’Europe de l’énergie ?

Cette défausse serait incorrecte, car la loi française comporte des ambiguïtés qui n’ont jamais été levées : prévoir qu’en 2025 la production d’électricité ne sera nucléaire qu’à 50 % (contre 75%)… suppose de connaître la consommation électrique à long terme (c’est-à-dire le dénominateur du ratio). Si la demande croissait (par des « transferts d’usage » notamment liés au développement du véhicule électrique) le parc de réacteurs ne serait que marginalement réduit. C’est ce que considère le PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy, indiquant qu’il n’est pas prévu (et cela en « liaison avec l’Etat ») de fermer plus de 2 réacteurs dans les 10 ans à venir. Mais, si la demande restait stable, cela supposerait de fermer de 17 à 20 réacteurs, comme vient de le rappeler la Cour des Comptes en déplorant une absence d’évaluation des conséquences économiques potentielles.

Quoi qu’il en soit, il est urgent de disposer d’une programmation pluriannuelle des investissements (ce qui devrait être le cas au printemps) car, à l’horizon 2030, la loi prévoit également que les renouvelables devront peser deux fois plus lourd dans le bilan énergétique national et il n’y aura pas de place pour toutes les filières.

Il y a donc bien un syndrome français dans les turbulences qu’affronte EDF. L’objectif du 50% de nucléaire en 2025 a consisté (durant la campagne présidentielle de 2012) à s’adosser à l’Energiewende allemand (la Chancelière décidant de ramener le nucléaire de 25% à 0 entre 10 ans Outre-Rhin) sans assumer certaines conséquences d’un tel choix, notamment la forte augmentation de la facture électrique pour financer les investissements nouveaux.

Il faut maintenant, soit revenir aux termes de la loi et définir les conditions dans lesquelles des réacteurs seront fermés d’ici à 2025, soit assumer que le caractère décarboné du nucléaire est un atout et que la diversification du mix énergétique français s’étalera sur une période plus longue.

L’ambiguïté n’est pas créatrice en tout domaine…

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