La planification écologique reçoit enfin l’attention qu’elle mérite. Pourtant, elle n’est pas nouvelle, comme le rappelle Katheline Schubert, et elle ne peut être indissociable d’une hausse du prix du carbone.
On n’a jamais autant parlé de planification écologique que depuis l’élection présidentielle. Comme si on n’y avait pas pensé avant. Nous avons maintenant un premier ministre chargé de la planification écologique et énergétique, un ministre chargé de la Transition énergétique, un ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, un secrétariat général à la Planification écologique. On ne peut que s’en féliciter, tant il est impossible de laisser au marché le soin de prendre en compte les enjeux écologiques et climatiques, et tant il faut relever l’ambition de la politique climatique. De plus, il faut faire les choses dans le bon ordre. Il ne sert à rien d’inciter les ménages à diminuer leurs trajets en voiture s’ils n’ont pas d’alternative en transports publics ou pistes cyclables ; il ne sert à rien de promouvoir la voiture électrique s’il n’y a pas de réseau étendu de bornes de recharge.
2015, la première stratégie nationale bas carbone
Mais la planification écologique existe déjà. La Programmation pluriannuelle de l’énergie, qui planifie les investissements publics dans la production d’énergie, date de 2016, et elle a succédé à des documents de même nature élaborés depuis longtemps par le Commissariat général du Plan. La première stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui décrit ce qu’il faudrait faire pour atteindre nos objectifs de décarbonation, date de 2015. Mais la SNBC est restée jusqu’à présent confidentielle, et n’a pas été portée par les pouvoirs publics tout en haut de l’agenda de politique économique. Elle a décrit une sorte de France parallèle, ignorée de la France réelle et de la plupart de ses dirigeants. Les décisions publiques n’ont que rarement été évaluées à l’aune de la SNBC. La Stratégie Française Énergie Climat (SFEC) en cours d’élaboration doit intégrer politiques énergétique et climatique et être notre feuille de route pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle jouera pleinement son rôle si elle est structurante pour l’ensemble de la politique économique.
Planification et augmentation du prix du carbone : indispensables et complémentaires
Il faut cependant se garder de penser que la planification va remplacer l’augmentation du prix du carbone. Les deux sont indispensables et complémentaires. Une grave erreur d’appréciation a été faite au moment de l’introduction de la taxe carbone, qui a été de ne pas corriger ses conséquences distributives injustes. Cette erreur pèse encore aujourd’hui sur la politique climatique française et même sur la politique européenne, puisque en l’état actuel du débat au Parlement européen les ménages seraient exclus du nouveau marché de quotas pour le transport et le bâtiment. Plutôt que de renoncer à augmenter le prix du carbone payé par les ménages il faut réparer cette erreur. Sans cela, la transition sera beaucoup trop lente ou ne se fera tout simplement pas, car elle coûtera trop cher.
Bien sûr, la flambée des prix internationaux des énergies fossiles rend impossible la reprise immédiate de la hausse de la taxe carbone. Les prix imposés par les producteurs d’énergie jouent de fait le rôle d’incitation à la baisse de la consommation que la taxe devrait jouer, sans que le gouvernement n’en engrange les recettes. S’il est parfaitement légitime d’en protéger les ménages vulnérables, chercher à en protéger l’ensemble des ménages est en parfaite contradiction avec la nécessité de décarboner l’économie. Quand (ou si) les prix producteurs seront revenus à un niveau « normal » il sera indispensable de réenclencher l’augmentation de la taxe carbone.
Katheline Schubert, membre du Cercle des économistes, professeure à l’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne et à l’École d’Économie de Paris