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L’économie de l’innovation n’est pas une économie corporatiste

France, mûre pour les réformes. Philippe Aghion en est convaincu : l’innovation doit être le maître mot de la réforme en France. Selon le Professeur au Collège de France, « il faut créer une économie dans laquelle les individus sont amenés à changer de travail, de secteurs, car il y a sans arrêt de nouvelles activités qui remplacent d’anciennes activités ». Et de préciser son propos : « Nous avions une économie de rattrapage où nous passions toute notre vie dans le même secteur. Du coup, nous avons aujourd’hui plus de cent caisses d’assurance maladie, plus de cent caisses de retraites… des systèmes très compliqués dans lesquels chacun s’y retrouvait car c’était très corporatiste. L’économie de l’innovation, ce n’est pas une économie corporatiste, il faut sortir de cela et faire de grandes transformations ».

Le salut de la flexi-sécurité. « Dans la loi sur la réforme du Code du travail, la sécurité va être l’assurance chômage généralisée. Il faut la faire, et très rapidement », estime Philippe Aghion. Tout le monde sera concerné : indépendants, patrons, etc. L’idée est de dire : comme chacun ayant un emploi est amené à changer de secteur, ou de type de contrat, « il faut une couverture très large. Quelle que soit ma situation, j’ai une couverture et c’est l’Etat qui pilote. C’est un système à la danoise », insiste l’économiste qui, par contre, souligne qu’en ce qui concerne les négociations salariales et conditions de travail, « cela devra se faire davantage au niveau de l’entreprise ou de la branche ». L’idée est la décentralisation, mais tout ce qui est couverture sociale est centralisée et gérée par l’Etat. C’est, effectivement, le système scandinave.

Court et long terme. L’autre grande réforme sera celle de l’Etat et de la fiscalité. « Deux marqueurs très forts ont été donnés par le président de la République, souligne Philippe Aghion.  L’idée est de dire que l’Etat doit définir un périmètre : « il faut que l’on regarde le retour sur investissement des sommes dépensées par le secteur public. Ensuite, il y a des sources d’économies. Le rabot est le seul moyen d’obtenir des économies de très court terme pour rester dans les clous des 3% », explique l’économiste, qui voit trois chantiers : les contrats aidés, les niches fiscales et les effectifs de la fonction publique. « Je suis pour le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans des secteurs autres que la santé et l’éducation. Ailleurs, je reviendrais à la norme du « un sur deux »,  et l’Etat peut le faire directement sur les emplois qu’il contrôle, ou à travers les dotations aux collectivités territoriales ». A ce sujet, Philippe Aghion appelle à s’assurer que « personne dans les collectivités locales travaille moins que 35 heures. Je ne remets pas en cause les 35 heures et y reste attaché, mais il faut les travailler pleinement ».

Les millefeuilles du long terme. Parmi les pistes évoquées par Philippe Aghion : le millefeuille territorial et le millefeuilles social. Territorial ? «Ill y a trop de communes. Il faudrait que les maires deviennent des agents des intercommunalités. Dans les zones rurales, c’est l’intercommunalité qui devrait être l’unité de base ».  Social : « il faut aller vers des guichets uniques en matière d’allocations familiales, de retraites, etc. ». Enfin, l’informatique, la numérisation au sens large, qui permette aux citoyens d’évaluer la qualité des services publics. « Il faut que le citoyen joue un rôle beaucoup plus important », conclut le professeur au Collège de France.

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