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Croissance 2017 : Stimulus ou encéphalogramme plat ?

Duo éco n° 20 : Croissance pour 2017 : stimulus ou encéphalogramme plat ?

Afin de répondre aux questions qui nous paraissent essentielles pour un débat économique de qualité en France, le Cercle mobilise ses 30 économistes .

3 questions / 2 économistes et 3 mn pour y répondre!

Patrick Artus et Christian de Boissieu, membre du Cercle des économistes, répondent aux 3 questions de notre journaliste:

• Quel acquis de croissance pour le prochain président ?
• De quels leviers d’action disposera-t-il ?
• Les 1ères mesures ?

 

Journaliste: Emmanuel Cugny
Equipe Vidéo: Point TV

Copyright : Cercle_eco

Point de vue des membres du Cercle :

 Jean-Paul BETBEZE

Bon augure pour 2017. Selon l’INSEE, les chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière, interrogés en janvier, affirment avoir augmenté de 4% leur investissement en valeur en 2016 par rapport à 2015. Pour 2017, ils prévoient une augmentation de 5% par rapport à l’année dernière. Selon Jean-Paul Betbeze, « la croissance semble s’inscrire en ce début d’année au même rythme qu’en fin 2016, et ceci devrait se poursuivre ». Reste que, selon la Cour des comptes, le déficit budgétaire pourrait repartir à la hausse.  « 40% de l’amélioration du solde budgétaire vient de la baisse de taux, notamment de l’effet de la baisse de l’inflation sur les obligations indexées », souligne Jean-Paul Betbeze, se référant au dernier rapport des sages de la rue Cambon.

Taux d’intérêt. Les taux longs sont repartis à la hausse dans le monde (amélioration globale, remontée de l’inflation, reprise américaine, inquiétudes liées au Président Trump, hausses des taux courts américains…). Selon Jean-Paul Betbeze, « en zone euro, d’autres éléments poussent aussi à la hausse des taux longs : croissance, remontée des prix après le point bas lié au pétrole, tensions politiques, réduction des achats de bons du trésor dans un an… En France, les taux longs sont un peu repartis à la baisse (rumeurs, un temps, d’élection de Marine Le Pen) ». Mais, pour l’économiste, auteur du livre La France, malade imaginaire ? (Economica),  « il est trop tôt pour parler d’un ‘’effet Macron’’, pour expliquer la baisse en cours des taux longs, d’autant que l’écart des taux 10 ans entre France (1,042%) et Allemagne (0,264%) continue de monter à 72 points de base ». Et d’ajouter que « l’incertitude politique sur la nouvelle Chambre n’est pas claire – les marchés financiers ne se sont pas saisis du sujet – et que les salaires publics sont repartis à la hausse ».

Perspectives. Jean-Paul Betbeze estime que « le cadrage central des entrepreneurs est une lente amélioration qui permet d’investir et de rattraper leur retard ». Est-ce pour autant suffisant ? Pas sûr. « En 2016, les exportations françaises reculent en effet de 0,6 % (…). L’accroissement du déficit manufacturier dépasse l’allègement de la facture énergétique », analyse le fondateur du cabinet Betbeze Conseil. Les marges vont-elles continuer de remonter ? C’est toute la question. « Les secteurs marchands non agricoles ont en effet créé 191 700 postes en France en 2016, du jamais vu depuis 2007. L’emploi a progressé de 0,4% sur les trois derniers mois de l’année, soit un septième trimestre consécutif de suite. Les créations nettes d’emplois ont atteint 62 200, après 52 400 au cours du trimestre précédent. Dans le tertiaire, l’emploi continue d’augmenter (+0,6 %, soit +68 800). Hors intérim, les créations nettes d’emploi progressent (+31 600, soit +0,3 %), comme au trimestre précédent (+26 600), mais l’économie a continué d’en détruire dans l’industrie (-23 200) et la construction a perdu 5 700 postes », détaille l’économiste. Stimulus ou encéphalogramme plat ? La croissance semble relever du premier élément… croisons les doigts.

Retrouvez les analyses de Jean-Paul Betbeze 

 

Christian SAINT-ETIENNE

Situation préoccupante. Pour dresser le portrait économique de la France, Christian Saint-Etienne ne passe pas par quatre chemins : « En dépit d’une punition fiscale de 70 milliards d’euros sur la période 2011-2014, le déficit public sera supérieur à 80 milliards d’euros en 2016. La demande de produits et services augmente, certes, mais ce sont les entreprises étrangères qui répondent à cette augmentation. La part des importations progresse fortement depuis quinze ans ». Le décor est campé. Selon l’économiste : « La croissance en 2017 ne sera pas forte: de l’ordre de 1,2 % si tout va bien. Hors réformes significatives visant à relancer notre système productif, la croissance sera de l’ordre de 1,25 % en rythme annuel au cours du prochain quinquennat… à condition qu’il n’y ait pas de nouvelle crise en Europe. Dans le cas contraire, la croissance pourrait tomber à 0,75 % en rythme annuel ».

Priorités pour le redressement. Christian Saint-Etienne estime que les priorités du redressement par la future équipe gouvernementale doivent être mise en œuvre dès l’été 2017. « En premier lieu, nous sommes pris dans une grande transformation du système économique et politique mondial : la révolution fondamentale de l’informatique et la pluie numérique qui irrigue notre société transforment notre système économique par l’iconomie, cette économie de l’informatique, de l’intelligence et de l’Internet », estime l’auteur du livre Relever la France. Etat d’urgence (Odile Jacob). « L’iconomie a déjà modifié 40 % de notre économie et ce n’est qu’un début. Le capital est le carburant de cette révolution. En portant la fiscalité du capital à plus de 60 % à l’automne 2012, quand elle est comprise entre 20 et 30 % dans toutes les autres nations industrielles, François Hollande s’est condamné à l’échec. Quel général enverrait ses armées au combat en rationnant le carburant? Il faut donc remettre toute la fiscalité du capital et l’impôt sur les sociétés à 25 % », insiste Christian Saint-Etienne.

Déverrouiller le marché du travail. La loi El Khomri n’a pas permis de déverrouiller le marché du travail. Christian Saint-Etienne appelle à modifier le contrat de travail, « non pas en allant vers un contrat unique – une fausse bonne idée traduisant la méconnaissance du réel –, mais en doublant l’actuel CDI, auquel il ne faut pas toucher, par un CDI à droits progressifs qui redonne de la souplesse au marché du travail. Généralisons au privé les contrats courts en vigueur dans le service public (dix-huit mois et trois ans) ». L’économiste juge impératif le vote, dès juillet 2017, d’une réforme constitutionnelle « ambitieuse qui garantisse la pérennité de ces changements ». Et d’ajouter : « Interdisons le déficit de la Sécurité sociale. Changeons le principe de précaution en un principe de responsabilité. Instaurons une règle d’or sur l’investissement net des collectivités locales. Posons le principe que la fiscalité française ne doit pas s’éloigner de celle des pays européens comparables ».

Rétablir un État puissant qui dépense moins. Christian Saint-Etienne en est convaincu : « les trois priorités une fois mises en œuvre l’été prochain, on pourra s’attaquer aux nécessaires réformes de l’organisation des territoires, de la santé et de l’éducation dans l’année qui suivra. Un ministre de la réforme de l’action publique introduira une révolution managériale, jamais mise en œuvre depuis 1945, et mettra en place les outils d’une forte hausse de la productivité de l’action publique ». L’économiste appelle à « rétablir un État puissant qui dépense moins, en bloquant la dépense publique nominale au niveau atteint en 2018 au cours des années suivantes. Si cet État réformateur, et non plus dispendieux et impuissant, ne réduisait l’emploi public que de 300 000 personnes au cours du prochain quinquennat, ce ne serait pas dramatique ». Mais rien d’efficace ne sera mis en place sans dispositif pérenne.

Retrouvez les analyses de Christian Saint-Etienne 

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