" Osons un débat éclairé "

Remontée des taux : quel impact pour le monde

La remontée des taux longs est porteuse de mauvaises nouvelles pour l’investissement et la croissance. Les marchés obligataires vont donc traverser une mer agitée.

Après une longue période de stabilité à des niveaux autour de zéro, les taux d’intérêt sont en voie de « normalisation ». Lentement mais sûrement, avec le décalage habituel des deux côtés de l’Atlantique qui reflète les écarts de conjoncture.

Pour les taux longs américains, l’effet Trump va prévaloir : hausse massive du déficit budgétaire, due à l’augmentation des dépenses publiques (infrastructures, défense…) et à la réduction des impôts. Les taux longs devraient grimper avec l’accélération de l’inflation et des effets d’éviction plus marqués sur les marchés de capitaux.

L’Europe, pieds et poings liés à la Fed

Et l’Europe ne pourra pas se déconnecter des évolutions américaines. Car la causalité continue à aller des taux longs américains vers les taux longs européens, une réalité qui traduit la plus grande profondeur et liquidité des marchés financiers aux Etats-Unis.

On peut seulement espérer un effet d’amortissement, avec une remontée moins forte des taux européens pour plusieurs raisons : politique monétaire encore très accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), reprise modérée en Europe.

Beaucoup va dépendre de la Réserve fédérale américaine (Fed). La mémoire du krach obligataire de 1994 est encore dans les têtes. On se souvient que ce krach avait été catalysé par la multiplication au cours de cette année-là des « petits pas » monétaires. La Fed va devoir gérer ses prochains resserrements en évitant de provoquer un cataclysme sur les marchés obligataires.

Pression sur les taux longs

Pour la zone euro, la BCE ne devrait pas en 2017 toucher à son principal taux directeur égal à 0 %. Mais les dernières nouvelles sur le front de l’inflation pourraient l’inciter à réduire plus que prévu ses achats mensuels d’obligations au titre du « quantitative easing ».

Il y aura là une pression supplémentaire sur les taux longs… Par ailleurs, le creusement des « spreads » est loin d’être terminé, vu les nouvelles alertes sur la Grèce et les incertitudes électorales dans plusieurs pays membres et non des moindres : la France.

Remontée des taux : quel impact pour le monde

Les taux réels (hors inflation) à long terme vont s’ajuster vers le haut, sans atteindre rapidement le niveau considéré comme « normal » sur la longue période (autour de 2 %).

Ajustements en cours

Sans adhérer en aucune façon aux thèses apocalyptiques de la « stagnation séculaire », il y a dans les ajustements en cours plutôt des mauvaises nouvelles pour l’investissement et la croissance. Par ailleurs, le surendettement va être accentué. La part des charges d’intérêt dans les budgets publics ne va faire qu’augmenter, obligeant à des coupes encore plus drastiques sur les autres postes.

Ce qui est vrai pour les emprunteurs publics vaut aussi pour les emprunteurs privés. Les pays émergents ont été et vont rester victimes du resserrement monétaire américain. Car ils connaissent des fuites de capitaux vers Wall Street, mais aussi vers l’Europe.

Et les avantages pour ces pays en termes de dépréciation de leurs devises sont bien souvent « mangés » par bon nombre d’inconvénients. On ne peut alors que regretter le silence et l’impuissance du G20 sur la coopération monétaire internationale.

Vers une hausse des marges ?

Quant aux banques et compagnies d’assurances, elles n’ont pas, en général, aimé la persistance des taux bas. Vont-elles profiter de leur remontée ? Il y aura là un facteur globalement favorable aux marges. Avec deux remarques importantes.

D’abord, les banques pourront moins bénéficier qu’avant de la remontée des taux longs et d’une courbe des taux plus pentue, du fait des ratios de liquidité de Bâle III qui les contraignent sur leurs financements longs. Ensuite, les intermédiaires financiers seront exposés à des moins-values en capital s’ils doivent vendre des obligations en phase de montée des taux.

Les marchés obligataires vont donc traverser une mer un peu agitée. Les investisseurs qui sauront anticiper sur quels actifs les capitaux qui vont quitter les marchés obligataires iront se reporter auront une profitable longueur d’avance sur les autres !

 

Les Thématiques