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Hausse des dividendes : un bon signal ?

Les études se suivent et se ressemblent : les dividendes versés aux actionnaires sont à la hausse, et la France n’est pas en reste. Souvent mal compris, car mal connus, le fonctionnement et la philosophie de la rémunération des actionnaires sont très critiqués par une partie de l’opinion. Arguments et démonstration à l’appui, Valérie Mignon casse quelques idées reçues.

Les annonces de versements de dividendes font fréquemment les gros titres des journaux et suscitent de multiples réactions et commentaires dans les médias et sur les réseaux sociaux. A chaque montée de dividendes, les actionnaires sont ainsi pointés du doigt, accusés de s’enrichir au détriment des entreprises. Qu’en est-il réellement ? Quel est le signal véhiculé par une augmentation de dividendes ?

Aux yeux du « grand public », le dividende est souvent assimilé — à tort — à la rémunération de l’actionnaire. En réalité, il correspond à la partie du bénéfice réalisé par l’entreprise qui est reversée à l’actionnaire à hauteur du nombre d’actions détenues par celui-ci. Il ne s’agit donc pas d’une rémunération dans la mesure où, lors du versement, le montant du dividende est soustrait du cours de l’action. En d’autres termes, lorsque les dividendes sont distribués, le cours de l’action baisse du montant du dividende, toutes choses égales par ailleurs. Au total, le versement du dividende modifie la composition du portefeuille de l’actionnaire : la valeur de celui-ci diminue à hauteur du montant des dividendes perçus et la trésorerie de l’actionnaire augmente d’autant. Enfin, soulignons que le paiement de dividendes n’est pas automatique et relève d’un vote de l’Assemblée Générale des actionnaires de l’entreprise concernée.

Dès lors, si le versement de dividendes n’engendre pas d’enrichissement net pour les actionnaires, pourquoi leur augmentation a-t-elle un si mauvais écho auprès du grand public et engendre-t-elle une réaction de presse plus politique que technique ? En admettant que les dividendes reflètent la santé économique et financière d’une firme, il est important d’identifier quelles sont les entreprises qui les distribuent. Si ce sont uniquement les sociétés cotées à forte capitalisation boursière, la hausse des dividendes peut masquer une hétérogénéité très importante des entreprises pour ne refléter la bonne santé que des plus grosses d’entre elles.

Une autre critique fréquemment adressée est que des dividendes en hausse pèsent sur les bénéfices que les entreprises pourraient consacrer à l’investissement. Il conviendrait d’étudier le ratio dividendes sur bénéfices pour trancher cette question, mais soulignons que plusieurs études mettent en évidence qu’une entreprise distribuant des dividendes élevés tend aussi à investir de façon importante ; les deux iraient ainsi de pair.

En augmentant ses dividendes, l’entreprise envoie un signal de confiance à ses actionnaires en leur signifiant des perspectives de croissance favorables. Plus généralement, l’évolution des dividendes constitue un signal majeur permettant de réduire les asymétries d’information entre dirigeants et petits investisseurs. Ainsi, ce n’est pas tant le niveau des dividendes qui importe, mais leur variation : en accroissant les dividendes, une entreprise signale à ses actionnaires qu’elle est confiante en l’avenir, alors qu’une diminution pourrait être interprétée comme un signe de mauvaise gestion. En outre, en versant des dividendes en hausse, l’entreprise réduit les marges discrétionnaires des dirigeants qui pourraient ne pas forcément investir dans l’intérêt de leurs actionnaires.

Au total, les versements de dividendes apparaissent ainsi plus comme un moyen de réallouer du capital dans l’économie que comme une prime aux actionnaires pénalisant les entreprises.

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