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Que faire de la gloire des économistes français ?

que-faire-de-la-gloire-des-economistes-francais-webL’année 2014 a apporté aux économistes français un ensemble exceptionnel de récompenses. D’abord, bien sûr, le prix Nobel attribué à Jean Tirole de l’Ecole d’économie de Toulouse. Ensuite, le succès intellectuel considérable du dernier ouvrage de Thomas Piketty « Le Capital au XXIe siècle ». Enfin, la présence de sept Français dans la liste des vingt-cinq économistes de moins de quarante-cinq ans les plus prometteurs publiée par la revue du FMI « Finance et Développement » et établie sur la base d’une large consultation. Sept Français, Esther Duflo, Emmanuel Farhi, Xavier Gabaix, Thomas Philippon, Thomas Piketty, Hélène Rey et Emmanuel Saez, alors qu’il n’y a par exemple aucun Allemand, aucun Italien, aucun Scandinave et un seul Britannique. Cinq d’entre eux travaillent actuellement aux Etats-Unis et une au Royaume-Uni, mais tous ont gardé des liens étroits avec la France, ses universités, ses centres de recherche, ses institutions, notamment le Conseil d’analyse économique.

Une telle moisson groupée ne peut pas relever du hasard. Où peut-on chercher les raisons de l’émergence de cette « génération dorée » d’économistes ?

D’abord la bonne formation aux mathématiques reçue dans les grandes écoles, notamment l’Ecole normale supérieure et l’Ecole polytechnique, dans une période où la dextérité mathématique facilitait la reconnaissance internationale des économistes.

Ensuite, probablement, les initiatives prises depuis dix ans pour promouvoir l’excellence de la recherche académique française. Même si le statut de réseau thématique de recherche avancée (RTRA) a été supprimé en 2013, il a aidé au décollage de l’Ecole d’économie de Paris et de l’Ecole d’économie de Toulouse, qui faisaient partie des treize RTRA initiaux couvrant l’ensemble des disciplines.

Enfin, à mon avis, le rôle personnel de deux hommes, Jean-Jacques Laffont pour l’Ecole d’économie de Toulouse, Daniel Cohen pour l’Ecole d’économie de Paris, qui ont su convaincre de très brillants jeunes gens de se tourner vers la recherche économique.

La gloire des économistes français forme un contraste saisissant avec la médiocre réputation de la politique économique française.

Certes, comme l’a argumenté de façon convaincante Jacob Funk Kirkegaard du Peterson Institute for International Economics de Washington, les performances économiques de la France sont meilleures que ce que la vulgate du « french bashing » pourrait laisser penser. Cependant aucun pays ne regarde avec envie les performances économiques françaises et ne cherche à s’inspirer de son modèle de politique économique.

Pour une part, cette déconnection n’est pas surprenante. La recherche économique ne se brevette pas, sa diffusion internationale est instantanée et très large, ses résultats et enseignements sont utilisables sans relation avec la nationalité des chercheurs. Beaucoup de pays se sont inspirés des résultats de Jean Tirole dans leurs politiques industrielles. La France pourrait s’inspirer plus qu’elle ne le fait des enseignements de la recherche économique, qu’elle soit produite par des chercheurs étrangers ou français.

A cet égard, la création du Conseil d’analyse économique par Lionel Jospin en 1997 a été une initiative intéressante. Son utilité a beaucoup dépendu de la capacité des Premiers ministres successifs à entretenir un dialogue intellectuellement fructueux avec ce groupe d’économistes académiques de haut niveau. Certains ont su le faire, d’autres moins. Mais, au total, ce contact direct entre membres du gouvernement et chercheurs a produit des interactions que les circuits de conseillers ou même des lectures n’auraient pas pu engendrer de façon équivalente.

Dans certaines institutions chargées de la politique économique, il arrive que des économistes occupent des positions élevées, les mettant directement en situation de responsabilité. C’est le cas par exemple aujourd’hui de Mario Draghi à la BCE, ce fut le cas il y a peu de Dominique Strauss-Kahn au FMI ou de Lawrence Summers à la tête du Trésor américain.

Les autorités françaises pourraient profiter de la qualité exceptionnelle de cette génération d’économistes pour en mettre certains à la tête d’institutions importantes pour la conduite des politiques économiques. Ce pourrait par exemple être le cas dès cette année lors de la nomination du gouverneur de la Banque de France.

 

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