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Le programme économique de Gabriel Attal est-il finançable ?

Entre le maintien des baisses d’impôts promises et les 12 milliards d’euros d’économies à réaliser sur le budget 2024, le programme du Premier ministre, Gabriel Attal, pose la question de son financement. Pour Christian Saint-Etienne, la principale difficulté réside dans le contrôle de la dépense publique

 

Le discours de politique générale du Premier ministre a tracé un certain nombre de pistes pour favoriser le travail, encourager la construction de logements, « réarmer notre système de santé », agir pour l’école et restaurer l’autorité. Les normes pesant sur les agriculteurs doivent être simplifiées tandis que la transition écologique sera accélérée par la création d’un service civique écologique et la mise en service de l’EPR de Flamanville.

Afin de favoriser le travail, il est envisagé de baisser les impôts sur les classes moyennes de 2 milliards d’euros tout en généralisant la réforme du RSA avec une obligation de 15 heures d’activité hebdomadaire d’insertion. Pour relancer la construction, M. Attal propose d’intégrer le logement locatif intermédiaire dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). Il veut également désigner 20 ‘territoires engagés pour le logement’ avec pour objectif d’y créer 30 000 nouveaux logements d’ici trois ans. Le thème récurrent de ce discours est la nécessité de la simplification des normes, dans l’agriculture comme pour les TPE/PME. Il prône notamment le recentrage des travaux de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) sur les projets d’envergure nationale pour simplifier les procédures frappant les autres projets.

Des normes et procédures étouffantes

M. Attal n’est pas le premier ‘Premier ministre’ à s’engager à réformer et simplifier normes et procédures, ce qui n’empêche pas le carcan des normes et procédures de croître en permanence et d’étouffer les initiatives. Surtout, il fait face à une situation budgétaire tendue avec un déficit public qui reste supérieur à 4,5% du PIB, une dette qui se maintient autour de 110% du PIB, en sorte que ses marges de manœuvre sont réduites même si les mesures qu’il a annoncées n’aggravent pas de manière délibérée la situation des finances publiques.

La principale difficulté réside toujours dans le contrôle de la dépense publique qui, selon les prévisions économiques de la Commission européenne, va se maintenir autour de 56% du PIB en 2024 et 2025, soit 8 points de PIB au-dessus de la moyenne de dépense publique des 19 autres pays de la zone euro. Le déficit public ne baissera pas et se maintiendra à 4,5% du PIB en 2024-2025, soit un tiers de plus que dans le reste de la zone euro, alors qu’il faudrait le ramener autour de 1,5% du PIB pour enclencher un mouvement de baisse réelle du poids de la dette publique. Or, le programme de M. Attal ne porte pas de remède au poids insupportable de la dépense publique et ne permettra pas de réduire le déficit.

La seul victime du double déficit

La France est ainsi le seul grand pays de la zone euro frappé par le double déficit, celui des finances publiques et celui de la balance courante qui se maintiendra autour de 2,4% du PIB en 2024 et 2025, comme en 2023. Il faudra, un jour de plus en plus proche, par la volonté ou par la contrainte extérieure, diviser par deux l’écart de dépense publique par rapport à nos voisins de la zone euro et allouer les 4 points de baisse du ratio de dépense publique à la baisse du déficit et à la réduction des impôts.

La situation économique de la France reste extrêmement préoccupante, son décalage de performance par rapport aux autres pays de la zone euro est inquiétant et le discours de politique générale de M. Attal, personnage au demeurant très sympathique, ne trace pas de perspectives permettant à l’économie française de retrouver un dynamisme durable.

 


 

Christian Saint-Etienne, Membre du Cercle des économistes et Professeur d’économie industrielle au CNAM

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