Le gouvernement a commencé à plancher sur les annonces faites par le président de la République, jeudi 25 avril, pour mettre en musique des mesures fiscales et sociales censées répondre à la crise des « gilets jaunes ». Les ministres doivent définir la méthode et le calendrier lors d’un séminaire « inédit » ce lundi. Jean-Paul Betbeze jette un regard boursier sur l’intervention présidentielle.
Emmanuel Macron fait une longue analyse de la situation sociologique et politique française. Il avance ses propositions pour soutenir la croissance et répondre (au moins en partie) aux problèmes qui ont été à l’origine de la crise des «gilets jaunes». Dans une lecture boursière de ses propos, on peut trouver quatre pistes d’effets à en attendre.
La première piste concerne le soutien à court terme à la demande des ménages. Déjà, sous l’effet des 10 milliards de distribution de revenus aux ménages les plus modestes (10 décembre, pour «répondre» aux gilets jaunes), l’activité se reprend. Ce sera, pour 2019, une croissance du PIB de 1,4% au moins, puis 1,5% en 2020, les plus fortes des grands pays de la zone euro. Les mesures annoncées le 24 avril renforcent ces chiffres, avec l’indexation des retraites inférieures à 2.000 euros sur l’indice des prix et surtout la baisse de 5 milliards d’euros de l’IR (150 à 300 euros en moins attendus par foyer fiscal dans les classes moyennes). Donc la croissance sera soutenue par la consommation, avec une hausse du pouvoir d’achat des ménages de 2,2% au moins cette année. La mise en place de la retraite minimale à 1.000 euros, plus les mesures pour lutter contre les pensions alimentaires impayées, vont dans ce sens d’un socle de demande.
La deuxième piste concerne la fiscalité du financement de la croissance. Pour les ménages, la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière est maintenue (ISF non, IFI oui), afin que l’épargne finance les entreprises et soit donc incitée à prendre des risques. Cependant, une évaluation de ce choix sera faite en fin de mandat. Pour les entreprises, la baisse à moyen terme de l’IS est maintenue, vers la moyenne de la zone euro, sachant que des niches fiscales d’entreprises seront rabotées pour financer la baisse de l’IR, sans plus de précisions. En même temps, un renforcement des mesures contre l’évasion fiscale et les «excès d’optimisation fiscale» est annoncé, sans plus de précisions non plus. Au total, on peut penser que les conditions de profitabilité des entreprises vont continuer à s’améliorer, la piste de réduction du déficit public étant maintenue. A ceci s’ajoute l’accent mis sur la participation et l’intéressement, de façon à ce que les salariés achètent plus d’actions, dont celles de leur entreprise, dans une lignée gaulliste, citée par le président.
L’apaisement des relations sociales en France
La troisième piste est une stratégie de croissance pour la France, selon plusieurs axes: augmentation du travail d’abord (avec la baisse recherchée du taux de chômage vers 7% et l’allongement – choisi – de l’âge de la retraite après 62 ans), formation (au plus jeune âge et tout au long de la vie), souci écologique (avec un Conseil de défense écologique, pour mettre en avant, en France et en zone euro, une stratégie cohérente, notamment dans les discussions avec les partenaires internationaux), décentralisation adaptée selon les régions (avec plus de responsabilités, accompagnée d’une «déparisianisation» des fonctionnaires), le tout sans dérive budgétaire et dans un cadre européen affirmé. Sans que l’on dispose de calculs, on peut penser que ce programme est de nature à faire légèrement monter la croissance potentielle : bonne nouvelle boursière.
La quatrième piste, psychologique, est décisive pour le succès de ces mesures : l’apaisement des relations sociales en France. C’est ici que l’on retrouve la référendum d’initiative populaire (pas le RIC des «gilets jaunes»), l’arrêt des fermetures d’écoles et d’hôpitaux, et la naissance de 2.000 «maisons de services publics», une par canton. Ah, j’allais oublier le regret présidentiel d’avoir donné l’impression d’être «dur», et la suppression de l’ENA… dans sa forme actuelle, sans être sûr que le CAC 40 y soit très sensible. Tout le monde regardera plutôt la fiscalité des entreprises, le déficit budgétaire et le rythme des réformes.