Lors de sa conférence de presse du 18 septembre, le président de la République a réitéré son engagement de réduire les dépenses publiques de 50 milliards d’euros sur trois ans, mais pas 1 euro de plus, quels que soient les chiffres de la croissance d’après Agnès Benassy-Quéré.
On le sait, le gouvernement n’envisage plus de ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB en 2015, mais seulement en 2017. Il justifie son choix par le risque d’étouffer une reprise déjà anémique : selon les dernières prévisions de l’OCDE, la croissance serait de seulement 0,4 % en France cette année et de 1 % l’an prochain. Cependant, ce nouveau report de l’ajustement budgétaire entre en conflit avec les engagements européens de la France. Certes, le rythme d’ajustement des finances publiques est apprécié en termes structurels et non nominaux. Cela signifie que, lorsque la croissance est plus faible que prévu, le déficit peut déraper d’un montant correspondant aux pertes de recettes fiscales. Mais cela ne va pas très loin -3 ou 4 dixièmes de point de PIB. Pour justifier un écart plus important, il faut se prévaloir de « circonstances particulières » – une grave récession ou la mise en oeuvre de réformes structurelles ambitieuses qui, en redressant le potentiel de croissance, nous aideront à atteindre le quasi-équilibre budgétaire à moyen terme auquel nous nous sommes également engagés. Or, si la croissance patine en France, on ne peut quand même pas parler de grave récession. La clef de la flexibilité demandée par la France réside donc, pour l’essentiel, dans son programme de réformes. Cela implique de détailler rapidement les moyens d’accomplir les économies budgétaires annoncées pour 2016 et 2017; mais aussi de dévoiler un programme crédible de mesures favorables à la croissance de moyen-long terme. La modernisation des réglementations dans certains secteurs ou le toilettage des seuils sociaux participent de cette logique. Mais il en faudra davantage pour convaincre nos partenaires, qui attendent de nous, par exemple, des réformes ambitieuses du marché du travail et du système éducatif.
Comment mettre en musique les réformes de l’offre et le soutien de la demande à court terme ? En privilégiant, parmi les réformes possibles, celles qui ne nuiront pas à la demande, voire la soutiendront. Simplifier l’organisation et le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage n’aura pas d’impact récessif à court terme, au contraire; ouvrir davantage à la concurrence le transport de voyageurs (taxis, lignes d’autocars) peut rapidement avoir un effet positif sur le pouvoir d’achat et/ou l’emploi; libéraliser la vente des médicaments sans ordonnance ou l’installation de certaines professions réglementées n’aura pas d’effet spectaculaire à court terme, mais toutes ces mesures prises ensemble orienteront l’économie dans une nouvelle direction, plus inclusive et innovatrice. Pour ce qui est du marché du travail, des horaires de travail plus flexibles au cours de la semaine et de l’année permettraient de créer des emplois sans réduire le pouvoir d’achat des personnes déjà employées. Par ailleurs, si ce n’est sans doute pas le moment de réduire la durée d’indemnisation du chômage (une des plus élevées d’Europe), on peut quand même songer dès à présent à la moduler selon le taux de croissance de l’économie, une croissance plus vigoureuse facilitant en principe la recherche d’emploi. Enfin, la mauvaise conjoncture ne nous empêche en rien de réfléchir à faire converger le CDD et le CDI pour sécuriser les parcours professionnels tout en réduisant le caractère anxiogène, pour l’entreprise, de l’embauche en CDI. Il ne s’agit pas de convertir brutalement les contrats existants, mais de rendre le marché du travail plus accueillant pour les jeunes actifs, aujourd’hui victimes d’une ségrégation de fait. Pourquoi ne pas envisager au moins une expérimentation dans ce domaine ?
On a trop tendance en France à considérer les réformes « structurelles » comme nécessairement récessives à court terme, par opposition à une bonne vieille politique de soutien de la demande. C’est loin d’être le cas général. Faire le tri dans les réformes sous l’angle de leur impact à court terme aiderait à maximiser les chances de succès de notre stratégie économique et à convaincre nos partenaires européens, très remontés contre ce qu’ils perçoivent comme de la désinvolture budgétaire.