Les mots du président de la République, Emmanuel Macron, le 25 septembre, lors de la présentation de la planification écologique, « reprendre d’ici la fin de l’année le contrôle sur les prix de notre électricité aux niveaux français et européen », laissent place à interprétation. Qu’a-t-il réellement voulu dire ?
Sans doute, essentiellement, qu’il veut des prix de l’électricité prévisibles et les plus bas possible. C’est un bon objectif : pour que la transition énergétique, qui nécessite l’électrification des usages industriels et du transport et du bâtiment et donc une augmentation très conséquente de la consommation d’électricité, se passe bien, les prix ne doivent pas être trop élevés. Mais comment s’y prendre ?
Certainement pas en faisant sortir la France du marché européen de l’électricité, sous prétexte que nous produisons de l’électricité nucléaire peu chère. Ce serait une folie, et ce serait la négation de l’Europe. Le marché de l’électricité journalier fonctionne bien. Lui seul permet d’équilibrer à chaque instant offre et demande d’électricité. Sans le marché européen la France n’aurait pas pu satisfaire la demande au cours de l’hiver 2022 en raison de l’indisponibilité partielle de son parc nucléaire, et le rationnement aurait été inévitable.
Certes, nous produisons de l’électricité nucléaire et renouvelable mais, quand la demande dépasse cette production, le prix de l’électricité est fixé par le coût marginal des centrales à gaz européennes qu’il faut solliciter pour satisfaire la demande excédentaire. C’est ce coût qui a atteint des hauteurs vertigineuses en raison du comportement de monopole de la Russie. Tout autre système de fixation des prix nécessiterait soit d’accepter des rationnements pour ne pas solliciter les centrales à gaz, soit de subventionner ces dernières pour qu’elles produisent quand cela s’avère nécessaire, en dépit d’un prix sur le marché de l’électricité trop bas pour rendre rentable cette production.
Les deux défauts majeur du marché journalier
Même si le marché journalier fonctionne bien il faut le compléter, car il a deux défauts majeurs : il ne permet pas de rémunérer à la hauteur nécessaire l’investissement en moyens de production d’électricité décarbonée, et il produit des prix volatils, variant fortement heure par heure en fonction des fluctuations de la demande et de celles de la production d’électricité intermittente, alors qu’entreprises et ménages ont besoin de stabilité et de prévisibilité.
La Commission européenne a proposé en mars 2023 une réforme du marché comportant la généralisation des contrats de long terme pour la production d’énergie décarbonée, et en particulier des contrats pour différence bidirectionnels. Il s’agit de contrats signés entre un producteur d’électricité et l’État. Le producteur vend l’électricité sur le marché de court terme et verse à l’Etat, ou reçoit de ce dernier, la différence entre le prix de marché et le prix d’exercice (généralement déterminé par appel d’offres). Le producteur perçoit ainsi un prix stable et garanti sur le long terme pour l’électricité qu’il produit, ce qui réduit le risque et lui permet de financer ses investissements.
Ce type de contrat est considéré par la législation européenne comme une aide publique d’Etat. La position actuelle de l’Allemagne est que le nucléaire existant ne doit pas pouvoir en bénéficier. La position, opposée, de la France semble cependant raisonnable : certes, les vielles centrales nucléaires sont amorties, mais il faut maintenant financer d’importants investissements pour prolonger leur durée de vie.
Faut-il remplacer l’ARENH ?
Si l’accord avec l’Allemagne se révèle impossible au sommet européen du 17 octobre, la France se prépare à réguler de son côté le prix de l’énergie nucléaire en mettant en place un dispositif en remplacement de l’Arenh, consistant à instaurer un prix plafond proche du coût de production, dont le niveau fait aujourd’hui l’objet de débats animés. Il serait cependant bien dommage de mettre en place un mécanisme purement national, pas forcément pérenne. La solution européenne des contrats pour différence, accompagnée de dispositifs permettant de protéger les consommateurs des évolutions du prix du gaz et de les inciter à flexibiliser leur demande, est bien préférable.