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Session spéciale avec S.E.M. Macky Sall et Christine Lagarde

Synthèse

Les défis majeurs qui se sont présentés au cours de cette présidence sont détaillés par Macky Sall. Après la Covid-19, qui a souligné les vulnérabilités du continent en matière de souveraineté pharmaceutique, l’invasion de l’Ukraine a entraîné une rupture des chaînes d’approvisionnement et un renchérissement des facteurs de production, notamment dans le domaine agricole (fertilisants, blé). Se sont également posées des questions relatives à la réforme de la gouvernance mondiale (Conseil de Sécurité, institutions de Bretton Woods), à la bataille pour une juste transition énergétique et à la lutte contre le terrorisme. Interrogé sur sa participation au sommet de Paris[1], Macky Sall fait part de sa satisfaction : les avancées sont lentes, mais certaines. Face à l’injustice que les pays en développement subissent à travers les systèmes de notation et le renchérissement des taux de crédit, revoir les droits de tirage spéciaux et faciliter l’accès au marché de capitaux permettrait une plus grande mobilisation des ressources, donc un développement plus rapide. L’Afrique est un vaste marché. Pour que tout le monde y gagne, il faut revoir les conditions d’accès au financement. Paris a montré la voie. Le processus de mise en œuvre devra maintenant être suivi par l’ensemble des pays.

Le sommet de Paris a permis deux grandes avancées selon Christine Lagarde : finaliser l’accord sur le soutien à la transition climatique des pays en voie de développement (100 milliards de dollars) et conclure la restructuration de la dette zambienne.

Un seul pays africain est membre du G20, souligne Christian de Boissieu. Il demande si des avancées concrètes sont intervenues s’agissant du rééquilibrage de la gouvernance mondiale et de la réforme du système financier international.

L’accord donné par l’ensemble des pays du G20 pour que l’Afrique y obtienne un siège permanent constitue une avancée et la réparation d’une injustice, note Macky Sall. Lors du sommet de Paris, le Sénégal a obtenu un financement de 2,5 milliards de dollars pour accompagner sa transition énergétique. Reste à obtenir des avancées en matière de gouvernance financière mondiale, sur la réforme du Conseil de sécurité et sur la transition énergétique.

Interrogée sur l’éventualité à moyen terme qu’un Africain prenne la tête du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde répond que les pays africains comptent trois sièges au sein de la Banque mondiale et deux sièges au FMI. Un troisième semble devoir leur être attribué dans un avenir proche. Ce continent doit bénéficier de soutiens, de quotas et d’une représentation en rapport avec sa taille et celle de sa population.

Le resserrement des politiques monétaires lié à l’inflation a engendré des sorties de capitaux et la réévaluation des taux de change dans certains pays africains, observe Christian de Boissieu. Il demande au président du Sénégal si ce sujet monétaire le préoccupe.

Ce sujet préoccupe tous les dirigeants du monde, affirme Macky Sall : les pays en développement n’ont pas pu mettre en place de mécanismes de protection face à l’inflation. Aucun plan de rachat de la dette des États ne leur a permis d’accroître leur trésorerie. Les marchés financiers se sont plus ou moins fermés entre 2022 et 2023. Seuls la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Bénin y ont eu accès, mais à des taux d’intérêt dépassant les 10 %. Les pays africains se sont donc tous retrouvés sur les marchés internes, ce qui a créé des tensions. La Banque centrale a augmenté ses taux directeurs pour lutter contre l’inflation, mais aussi contre la perte des réserves. La réallocation des droits de tirage spéciaux pourrait donner un peu d’oxygène aux pays africains. Elle tarde à intervenir et il est important de l’activer face à une situation qui est extrêmement préoccupante.

Au sujet des répercussions mondiales des décisions de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde assure que toutes les banques centrales en tiennent compte, mais qu’elles sont aussi obligées de délivrer sur la base de leur mandat et du territoire associé. L’allocation des droits de tirage spéciaux aux deux fonds dédiés du FMI en 2022 et 2023 a constitué un grand pas en avant dans le soutien aux pays en voie de développement. Les allocations supplémentaires qui sont intervenues laissent espérer que ce mouvement se poursuivra et que chaque pays qui le peut, dans les limites du droit applicable, continuera à en réaliser au bénéfice des pays qui en ont le plus besoin.

Concernant les pays du Nord, la mise en place de deux fonds pour recevoir les droits de tirage spéciaux réalloués est saluée par Macky Sall. Ils n’ont en revanche permis de financer que sept pays. Le processus a besoin d’être accéléré, sans comporter de conditions nouvelles. Un effet de levier doit être trouvé afin de démultiplier cette manne au moins par quatre : les besoins sont tels dans les pays en développement que 100 milliards de dollars ne suffiront pas. Il faut par ailleurs continuer à travailler avec les agences de notation : l’avenir des pays, la réaction du marché et des assurances en dépendent. Si le Sénégal obtenait aujourd’hui des crédits à l’exportation de l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE), et même si le financement ramenait les taux d’intérêt autour de 3,5 ou 4 % sur dix ans, la prime d’assurance lui coûterait en amont 12 %. Dans ces conditions, le processus de développement comme les investissements entre pays du Nord et du Sud sont freinés. Les gouvernements du Nord doivent accompagner leurs entreprises en Afrique au moyen de mécanismes de financement adaptés. Il est aussi nécessaire de réformer les règles de l’OCDE pour que la perception du risque en Afrique change. Malgré les difficultés, les Africains paient leurs dettes.

Propositions

  • Faciliter l’accès des pays en développement aux marchés de capitaux pour accélérer leur développement (Macky Sall).
  • Fournir au continent africain un soutien, des quotas et une représentation en rapport avec sa taille et sa population (Christine Lagarde).
  • Accélérer la réallocation des droits de tirage spéciaux, sans conditions nouvelles (Macky Sall).
  • Trouver un effet de levier afin de démultiplier cette manne au moins par quatre (Macky Sall).
  • Accompagner les entreprises du Nord en Afrique au moyen de mécanismes de financement adaptés (Macky Sall).
  • Travailler avec les agences de notation et réformer les règles de l’OCDE pour que la perception du risque en Afrique change (Macky Sall).

[1] Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, 22 et 23 juin 2023, Palais Brongniart, Paris.

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