Le marché de l’immobilier professionnel connait des difficultés conjoncturelles importantes. Cette situation fait peser un risque sur les banques créancières des dettes associées à ces actifs. Anne-Sophie Alsif explique pourquoi les communications officielles des banques centrales et des gouvernements font état d’un éventuel – mais encore limité – risque systémique.
Aux États-Unis et dans la zone euro, l’immobilier professionnel affiche une perte de rentabilité importante ainsi qu’une baisse du nombre de transactions. Selon le rapport de stabilité financière de la banque centrale européenne publié fin 2023, la hausse des taux d’intérêt et l’incertitude générale, combinées à l’illiquidité inhérente aux marchés de l’immobilier professionnel, ont entraîné une baisse de 47 % du nombre de transactions d’immobilier professionnel de la zone euro au cours du 1er semestre 2023 (sur un an). Selon le FMI, aux États-Unis – 1er marché mondial – les prix ont chuté de 11 % depuis que la FED a commencé à relever les taux d’intérêt en mars 2022.
Les actifs les moins bien placés et présentant les performances énergétiques les moins bonnes sont les plus touchés. Selon la BCE, les perspectives pour le marché « non-prime » sont particulièrement négatives. Selon Immostat, l’offre immédiatement disponible de bureau à Paris atteint un niveau jamais observé. Des phénomènes similaires sont observés dans d’autres pays comme en Chine. Selon le Bureau national des statistiques, à l’été 2023, le taux de vacance des bureaux atteignait le niveau historique de 18%. Selon la BCE, la baisse de rentabilité expose les emprunteurs propriétaires d’immobilier professionnel à de potentiels risques de service de la dette.
L’exposition des banques régionales à l’immobilier professionnel
Quoique généralement peu importante, l’exposition des banques à ces actifs peut présenter un risque de stabilité, notamment aux États-Unis, notamment via les banques régionales. Au sein de la zone euro, les banques ont environ 10 % de prêts exposés à l’immobilier professionnel. Les fragilités de ce portefeuille sont toutefois avérées. L’agence Moody’s a par exemple procédé à de nombreuses dégradations pour les sociétés immobilières, évoquant très régulièrement la détérioration des ratios dette/actif. Selon la Mortgage Bankers Association, environ 1 200 milliards de dollars de dette immobilière commerciale aux États-Unis arriveront à échéance d’ici 2026 (25% de bureaux et des commerces de détail) dont la plupart sont détenus par des banques. En outre, aux États-Unis, le risque est concentré sur les banques régionales. Selon Goldman Sachs, les banques détiennent 50% de la dette immobilière du pays, 75% de cette part est concentrée dans les banques de petite et moyenne taille – soit presque 40% du total. Selon le FMI, ces banques régionales sont cinq fois plus exposées que les grandes banques.
Sans être systémiques, les risques pourraient venir aggraver un déséquilibre étranger au secteur immobilier. Selon la BCE, « les mauvais résultats du marché de l’immobilier professionnel peuvent amplifier considérablement un scénario défavorable », augmentant la probabilité que le système bancaire subisse des pertes d’importance systémique. En outre, un évènement de ce type fragiliserait d’autres parties du système financier qui sont fortement exposées à l’immobilier résidentiel, comme les fonds d’investissement et les assureurs. Aux États-Unis, les banques régionales seraient confrontées à des baisses significatives de la valeur des prêts de l’immobilier professionnel. Cette situation poserait alors le risque d’un resserrement du crédit qui s’étendrait au-delà de l’immobilier.
Au total, si les banques sont bien exposées à un risque lié à l’immobilier professionnel, il apparait que ce risque est indirect. Un choc important sur une autre classe d’actif pourrait ainsi être aggravé par la déstabilisation du marché de l’immobilier professionnel. Ces risques systémiques paraissent encore éloignés même s’ils ne doivent pas être négligés.