Face aux crises actuelles, il est crucial d’apaiser les tensions en repensant notre organisation sociale. En renforçant les projets communs européens et en rapprochant le pouvoir des individus, nous pouvons retrouver la maîtrise de notre destin et bâtir une société plus juste et sereine. Jean-Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi l’avaient pressenti il y a dix ans : seul un effort collectif peut répondre aux défis de notre temps.
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Un monde de violences :
L’économie mondiale 2015-2030, Jean-Hervé Lorenzi, Mickaël Berrebi, Eyrolles (2014).
Il y a 10 ans, avec Mickaël Berrebi1 , nous prédisions le pire. Ce n’était ni un pessimisme naturel, ni un souci éditorial, mais tout simplement le fait que tout ce que nous vivons aujourd’hui est inscrit dans l’évolution fragmentée de nos sociétés. « Ce qui est exceptionnel dans ce présent que nous habitons, c’est que nous pressentons les gigantesques difficultés à venir, nous tentons sans grand succès de conceptualiser les menaces, mais nous hésitons à transgresser l’interdit, celui d’évoquer le conflit explicite, dangereux, cruel, celui qu’on appelle la guerre ».
Aucun triomphalisme, aucun sentiment d’avoir eu raison sur un certain nombre d’économistes, une simple constatation. Beaucoup d’entre nous oublient que l’Histoire est répétitive, que l’erreur de chaque génération est de penser qu’elle a un destin particulier et que le progrès est synonyme de l’évolution positive, en réalité, nous sommes souvent des Rousseauistes.
Dans ce cadre-là, l’ambition des Rencontres d’Aix-En-Provence est immense. Il s’agit de tenter d’apaiser ces éruptions de violence.
Quatre sources de tensions
C’est dire si le pire n’est pas sûr. Nous pouvons mettre en lumière les quatre éléments de tensions majeurs au niveau de nos sociétés : la démographie et son potentiel de tensions intergénérationnelles, les inégalités et la certitude de tension croissante, la technologie non maîtrisée et la perception d’une perte de l’identité de chacun d’entre nous, la financiarisation sans limites qui rompt avec la tradition de relier épargne et investissement.
Sont venues également se rajouter les peurs plus que fondamentales liées au climat et à l’environnement, la concurrence exacerbée entre le Sud Global et le vieil Occident. Confrontés à cette convergence inimaginable de terrains propices aux violences, il nous faut imaginer les conditions d’un monde apaisé. Bien des problèmes perdureront et notamment les besoins financiers géants des transitions à venir. Mais là n’est pas le défi essentiel.
Action collective
Il s’agit d’abord de trouver les éléments d’une nouvelle organisation sociale où chacun retrouve la perception de maîtriser son destin. Cela signifie évidemment que bien des problèmes ne peuvent être résolus que de manière collective, que pour nous autres européens, les chantiers mis en commun sont la seule manière de se redonner un destin scientifique, technologique et écologique.
Mais cela signifie aussi que le pouvoir doit être, comme ce fut le rêve dans les années 70, le plus proche possible des individus. Il nous faut donc mettre en avant les sept pistes qui traduisent cette ambition d’une action collective à tous les niveaux, et également du retour de l’épanouissement individuel.
Six consensus à trouver
Pas de programme, pas de mesures technocratiques, mais juste l’absolue nécessité de trouver un consensus sur les six problématiques majeures de la société européenne et française :
- Redonner espoir et confiance aux jeunesses ;
- Face au choc démographique : bâtir un projet intergénérationnel ;
- Maîtriser la dette, une contrainte inéluctable ;
- Financer les transitions avec justesse et justice ; Placer l’innovation au cœur du projet européen ;
- Relier l’Europe et l’Afrique ;
- Redonner sens au travail : rémunération, reconnaissance, perspectives.
Il s’agit d’abord et avant tout d’affronter ces territoires abandonnés, intellectuellement et politiquement depuis des décennies au-delà des discours bien trop optimistes par rapport aux réalités. Sinon comment expliquer ces positions extrêmes et en rupture avec nos traditions. Ces travaux ne sont pas là pour juger des programmes électoraux mais reconstituer la base d’analyses et de direction d’actions qui permettraient d’aller vers un climat plus serein.