Cet article est extrait du troisième numéro de la revue Mermoz, « Innover sans fin ? ».
Les avancées technologiques toujours plus rapides affectent notre existence, bouleversent notre économie et redéfinissent les relations internationales. Pour que la France et l’Europe gardent leur place dans ce nouveau monde, le mathématicien Pierre-Louis Lions les appelle à embrasser ces évolutions en misant sur l’école et le savoir.
L e numérique, les algorithmes et l’intelligence artificielle ne sont plus des concepts de demain ; ils sont déjà omniprésents dans notre quotidien. Et cette tendance ne se contentera pas de se maintenir, elle s’accélère et s’intensifie. Si ces technologies nous ouvrent des perspectives prodigieuses, elles comportent également des défis et des dangers que nous devons affronter avec courage et lucidité. Je ne m’attarderai pas ici sur ces opportunités ni sur ces dangers : ils sont formidables les uns et les autres, et nous commençons tous à en comprendre la portée.
Ces avancées technologiques influencent profondément tous les aspects de notre existence, bouleversant notre économie, nos relations géopolitiques et les conflits mondiaux. Elles redéfinissent notre monde et notre place en son sein.
L’école française, héritière d’une longue tradition d’excellence, a toujours brillé dans les disciplines essentielles au numérique, aux algorithmes et à l’intelligence artificielle : les mathématiques et les sciences de l’information. Il est crucial de noter que l’excellence dans ces deux domaines non seulement se complète, mais se renforce mutuellement. La combinaison de ces deux disciplines est à la fois essentielle et extraordinairement efficace.
Nos ingénieurs, présents dans les entreprises de la Silicon Valley, témoignent de ce rayonnement. Néanmoins, nombreux sont ceux qui choisissent de rester en France pour développer leurs propres entreprises, contribuant ainsi directement à notre avenir commun.
Par ailleurs, comme l’a magistralement expliqué Paul Romer dans sa théorie de la croissance endogène, la connaissance, existante et à venir, est un réservoir infini de découvertes et de progrès. La connaissance est un bien non rival, sans limites, permettant des rendements croissants à mesure qu’elle s’accumule. L’innovation, essentielle pour la croissance économique à long terme, transforme les industries et améliore la productivité. Romer souligne l’importance des politiques publiques pour encourager la production et la diffusion des connaissances, en investissant dans l’éducation et la recherche.
Pour toutes ces raisons, pour que la France et l’Europe puissent jouer un rôle actif dans cet avenir technologique, il est impératif de préserver cette tradition d’excellence. Nous devons investir les moyens nécessaires, car il ne faut pas laisser ce patrimoine inestimable dépérir par manque de soutien. Nous devons nous inspirer de la DARPA américaine et créer une institution européenne similaire, focalisée sur les mathématiques appliquées et tous les domaines liés au numérique.
Une telle institution nous permettra d’anticiper les besoins futurs en innovation et en ressources humaines. Elle garantira que nous demeurons maîtres de notre destin technologique, économique et politique, tout en renforçant notre compétitivité au niveau mondial. C’est ainsi que nous préserverons notre indépendance et que nous continuerons à participer à l’histoire du monde.