Cet article est extrait du troisième numéro de la revue Mermoz, « Innover sans fin ? ».
En 24 ans, les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence sont devenues le principal événement économique et social en France ouvert à tous – un détail qui n’en est pas un. Réunissant chaque année, dirigeants d’entreprises, d’institutions et d’associations, économistes, sociologues, philosophes, activistes ou journalistes, elles témoignent de la volonté du Cercle des économistes et d’une nécessité pour notre société : une économie ouverte sur le monde, qui soit à la base d’un débat public éclairé et, surtout, qui réponde aux problématiques de la vie quotidienne des citoyens.
Jamais depuis 24 ans les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence n’ont été aussi susceptibles de jouer un rôle utile dans les réflexions de la société française. Aujourd’hui plus que jamais nos sociétés sont fragmentées et le débat public impossible. Les discussions se transforment rapidement en confrontations où les invectives remplacent les arguments rationnels. Les facteurs de conflits sont nombreux : la polarisation au sein de nos sociétés ne cesse de s’intensifier, le multilatéralisme se retrouve en grande difficulté, les conflits mondiaux se multiplient et les défis des transitions écologique, numérique et démographique persistent sans qu’on ne leur apporte de réponse à la hauteur. Cette situation rend difficile l’émergence d’un dialogue constructif et éclairé, pourtant essentiel pour aborder ces enjeux complexes.
Dans ce contexte, les économistes ont un rôle crucial à jouer. L’économie, en tant que discipline, ne peut pas rester en marge des débats publics. Il est nécessaire qu’elle s’engage activement pour fournir des analyses rigoureuses et des solutions pragmatiques aux défis actuels. Les économistes ont la responsabilité d’éclairer les citoyens et les décideurs, en apportant des perspectives basées sur des faits et des données et en encourageant un débat rationnel et informé. Leur expertise est indispensable pour démêler les problématiques complexes qui façonnent notre monde, qu’il s’agisse de la croissance économique, des inégalités sociales, ou des crises environnementales. Leur implication est essentielle pour promouvoir une culture du débat fondée sur des arguments solides et une compréhension partagée des défis à relever.
Dès leur création, les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence se sont donné pour mission de contribuer à un débat public éclairé, apaisé et constructif. Dans cette période troublée, leur rôle est plus important que jamais. Le contexte nous a amené à articuler les discussions des Rencontres autour de cinq thématiques majeures qui nous paraissent fondamentales pour traiter en profondeur l’ensemble des difficultés auxquelles nous sommes confrontés : innovation, vision commune, connaissances, solidarités, coopération. Cette année, les Rencontres ne se concluront pas par une liste de mesures, plus ou moins suivies d’effet par les décideurs, mais par une proclamation simple, celle d’une absolue nécessité de trouver un consensus sur les sept problématiques majeures de la société européenne et française : redonner espoir et confiance aux jeunesses ; face au choc démographique : bâtir un projet intergénérationnel ; maîtriser la dette, une contrainte inéluctable ; financer les transitions avec justesse et justice ; placer l’innovation au cœur du projet européen ; relier l’Europe et l’Afrique : construire un destin commun ; redéfinir le rôle du travail : rémunération, reconnaissance, perspectives. Les Rencontres, cette année, ne seront pas qu’un simple lieu de débat. Plus encore qu’à leur habitude, elles seront ouvertes sur la société, en témoigne la formidable discussion menée avec 90 000 jeunes de 18 à 30 ans, qui a servi de base à la formulation de 16 recommandations par et pour les jeunes. Ouvertes, elles le sont également par leur configuration unique qui permet, le temps d’un weekend, de faire se rencontrer sans barrières des personnalités du monde académique, économique, politique, syndical, social, étudiant, culturel… et tous les Français.
« L’économie, en tant que discipline, ne peut pas rester en marge des débats publics »
Jean-Hervé Lorenzi