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Quelle politique d’immigration pour la France ?

Repenser la politique migratoire de la France. Les candidats à l’élection présidentielle ont-ils planché en détail sur la question pour élaborer leur programme de campagne ? A en croire leurs professions de foi, rien n’est moins sûr. Pourtant, la situation internationale et géopolitique pousse à faire de l’immigration un des dossiers prioritaires du prochain quinquennat.

Comme l’expliquent les auteurs de cette note : 90% des immigrés dans le monde sont en mouvement soit pour étudier, soit pour travailler… c’est-à-dire pour raison économique. La France ne peut ignorer cet enjeu alors que beaucoup de secteurs d’activité sont touchés par le manque de main d’œuvre, à tous niveaux de qualification.

Pour Emmanuelle Auriol et Hillel Rapoport, la question migratoire ne peut être séparée de celle de l’intégration. Le cas des réfugiés nous le rappelle chaque jour. Quelle politique d’immigration pour la France ? Voici quelques pistes à explorer, sans parti-pris, pour le quinquennat sui se prépare.


Alors que le duel de l’entre-deux tours s’annonce serré, le thème de l’immigration, sur fond de guerre en Ukraine et de crise humanitaire, est dans toutes les têtes. Jamais un sujet n’aura autant monopolisé les médias pendant une campagne présidentielle, sans pour autant donner lieu, entre les candidats, à un débat de fond qui puisse légitimement éclairer les électeurs. L’immigration est un sujet radioactif que personne ne souhaite aborder autrement que sous l’angle identitaire et sécuritaire, en ce qui concerne la droite et l’extrême droite, et humanitaire et de la discrimination, en ce qui concerne la gauche et l’extrême gauche. Le débat public laisse ainsi penser aux Français que ces questions sont les seules qui importent. Pas un parti, ni un candidat, ne s’est saisi de la question centrale de la contribution de l’immigration à l’économie. Or 90% des immigrés dans le monde sont en migration soit pour étudier, soit pour travailler, c’est-à-dire pour des raisons économiques. Faire l’impasse sur cette réalité c’est donc occulter le principal enjeu de l’immigration pour notre pays.

La politique d’immigration de la France, comme celle de tous les pays riches, se fonde sur deux piliers : l’immigration elle-même, c’est-à- dire la quantité et la composition (en termes de qualifications et d’origines) des flux de nouveaux arrivants ; et l’intégration de ces derniers, quand ils ont vocation à rester.

Dans notre note « L’immigration qualifiée : un visa pour la croissance » rédigée pour le Conseil d’Analyse économique en novembre 2021 (Auriol et Rapoport, Note 67), nous analysons la position singulière de la France, où l’immigration des dernières décennies apparait peu nombreuse en volume, faiblement qualifiée, et peu diversifiée en matière d’origine des immigrés. Nous y faisons le constat que cet état de fait doit largement à l’arrêt de l’immigration de travail (immigration dite « économique ») à partir du milieu des années 1970, et au repli de l’immigration sur un minimum dicté par nos obligations légales en matière de droit humanitaire et familial. Ce constat, documenté dans la note, s’accompagne d’un ensemble de propositions destinées à permettre à la France de renouer avec l’immigration de travail, et plus particulièrement avec l’immigration qualifiée, aux multiples effets bénéfiques en matière d’innovation, de création d’entreprises et d’insertion dans la mondialisation. Nous reprenons largement ce constat et ces propositions dans la première partie de cette contribution. Dans une seconde partie, en réponse à la crise humanitaire en Ukraine, nous nous intéressons à nos politiques d’accueil et d’intégration économique des immigrés, notamment des réfugiés, en soulignant l’absence d’évaluation de ces dernières. C’est extrêmement dommageable car cela nous empêche de construire une politique efficace qui s’appuie sur des faits objectivés et solides. Ce déficit d’information laisse le champ libre aux fantasmes et aux idées reçues, qui alimentent le fort sentiment anti-immigration en France.

L’immigration économique en France

Dans une surenchère médiatique, les candidats et candidate d’extrême droite n’ont ainsi pas hésité à appeler de leurs vœux l’arrêt total de l’immigration, voire une immigration négative, dite de « remigration ». Un seul pays dans le monde met en œuvre une politique d’immigration zéro. C’est la Corée du Nord et, à priori, personne ne cherche, ni à la rejoindre, ni à l’imiter. Outre le fait qu’il n’est pas possible légalement de stopper toute immigration en France, sauf à quitter l’Union Européenne, c’est une politique absurde sur le plan économique car notre pays manque de compétences et de talents.

Tensions sur le marché du travail et immigration de court terme

Avec un chômage qui vient de passer sous la barre historique des 7,5 % et la forte reprise économique à l’issue de la pandémie, qui laissent entrevoir la possibilité de renouer durablement avec la croissance et le plein emploi, la pénurie de main d’œuvre menace d’étouffer cet élan. En effet, 50 % des entreprises françaises se plaignent de ne pas pouvoir recruter et bon nombre d’entre elles finissent par renoncer à créer de l’activité supplémentaire faute de trouver les salariés dont elles ont besoin. La figure 1 illustre le lien existant entre ces difficultés et les niveaux d’immigration observés avant la crise : les secteurs d’activité qui faisaient le plus appel aux travailleurs immigrés en 2018 sont ceux qui souffrent aujourd’hui le plus de manque de main d’œuvre (en particulier le bâtiment et l’hôtellerie/restauration). Cela illustre que travailleurs immigrés et natifs sont complémentaires plutôt que substituables et que l’immigration permet de soulager des secteurs qui connaissent des pénuries.

Avec plus de 100 métiers classés « en tension », de nombreux secteurs sont touchés par le manque de main d’œuvre et tous les niveaux de qualification sont concernés. Ce problème est structurel dans notre pays. En effet de nombreuses entreprises ne trouvaient pas non plus de salariés avant la crise sanitaire. La réforme de l’assurance chômage, en réduisant les indemnités liées au travail en CDD, devrait remettre des salariés durablement sur le marché de l’emploi. Mais, vu l’ampleur de la pénurie, ce sera loin d’être suffisant, et ce d’autant plus que certains chômeurs n’ont aucune qualification et sont donc difficilement immédiatement employables.

Face à de telles difficultés, une première solution, qu’utilisent les plus grosses entreprises quand leur processus de production le leur permet, consiste à délocaliser une partie de leur activité à l’étranger. Cette solution est évidement moins bénéfique à l’économie française que de créer de l’activité économique sur le territoire national. On prend donc le risque, à force de faire de la lutte contre l’immigration une priorité nationale, de voir les emplois non pourvus être délocalisés. Une autre solution est de faire appel à la main d’œuvre étrangère. C’est ce que font traditionnellement des pays comme la Suisse, le Luxembourg, le Royaume-Uni, ou encore l’Allemagne, qui ont tous, proportionnellement à leur population, une immigration, en flux et en stock, plus élevée que celle de la France. Le problème est que dans ce domaine nous sommes peu attractifs.

La France, à la traine dans la course aux talents

Notre pays n’attire pas les candidats à l’immigration de travail, comme l’illustre la faible immigration intra-européenne. Parmi le flux d’immigrés arrivant chaque année en France (de l’ordre de 270 000 personnes), les ressortissants de l’UE n’en constituent qu’un tiers. On retrouve cette même proportion quand on regarde le « stock » d’étrangers qui sont établis sur le territoire français par rapport à la population totale : 4,6 % sont issus de pays tiers pour seulement 2,4 % de ressortissants de l’UE. Ceci classe la France, pour la proportion de ressortissants de l’UE dans sa population totale, derrière le Luxembourg, l’Autriche, la Belgique, l’Irlande, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni (pré-Brexit), le Danemark, la Suède, l’Italie, les Pays-Bas, et même Chypre ou Malte. Les européens, qui sont libres de s’installer où ils veulent dans l’UE, « votent avec leurs pieds » et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne plébiscitent pas la France. Un autre indicateur de notre manque d’attractivité est le retard considérable que nous accusons dans la course mondiale aux talents. Ainsi la France, 6e puissance économique mondiale, n’est que 19e au classement mondial « compétitivité et talents » élaboré par l’INSEAD et qui mesure la capacité d’un pays à attirer, produire et retenir des talents. Loin derrière la Suisse, Singapour et les États-Unis, nous sommes également devancés par les pays scandinaves, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore le Royaume-Uni.

Alors comment un pays qui, jusqu’au siècle dernier, attirait l’élite internationale des arts, des lettres, et des sciences (futurs prix Nobel, médaille Fields, et autres prix Abel), à l’instar de Marie Curie, de Georges Charpak, de Benoît Mandelbrot, de Boris Ephrussi, ou encore d’Alexandre Grothendieck, renforçant ainsi sa grandeur économique et son rayonnement scientifique et culturel, a-t-il pu, à rebours de son histoire, et en l’espace de quelques décennies dégrader son aura internationale à ce point ?

Un facteur clef a été la mise en œuvre, par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, de politiques migratoires de plus en plus restrictives. Depuis la fin des années 1970, la France, s’est progressivement refermée avec une politique migratoire « à minima », centrée sur l’immigration de droit (familiale, humanitaire), dans le but de contrer la montée de l’extrême droite. Force est de constater que cette stratégie ne fonctionne pas car elle donne implicitement raison à ceux qui arguent que l’immigration est un fardeau. Pire, elle handicape notre pays et entrave sa croissance.

Face à un tel climat d’hostilité, auquel, dans le cas de ressortissants de pays tiers, s’ajoutent des tracasseries administratives sans fin, les candidats à l’immigration de travail, notamment qualifiés, n’ont aucune envie de venir chez nous. Ainsi pour la période 2000- 2010, la contribution des immigrés à l’accroissement du stock de travailleurs hautement qualifiés n’a été que de 3,5 % en France alors qu’elle était de plus de 10 % au Royaume-Uni, en Australie ou au Canada, et de près de 7 % aux États-Unis et en Suède. Notre pays souffre aujourd’hui d’un déficit d’attractivité et accuse un retard considérable dans la course mondiale aux talents comme l’illustre la figure 2 qui ventile les stocks d’immigrés en 2010 par niveau de qualification. On peut y voir que, d’une part, l’immigration en volume est faible en France et que, d’autre part, la France est le seul des 6 pays représentés dont le nombre d’immigrés faiblement qualifiés est plus élevé que celui des immigrés qui ont un niveau d’éducation intermédiaire et supérieure. C’est un problème pour notre pays car l’immigration qualifiée est un facteur de croissance.

Immigration qualifiée et croissance

Du fait de l’importance de l’immigration et de son rôle dans l’histoire et la démographie américaines, c’est un sujet de recherche très important outre-Atlantique. Une abondante littérature scientifique a ainsi permis d’établir un consensus sur le fait que les immigrés, en augmentant la force de travail ainsi que sa diversité, contribuent positivement à l’économie américaine.

Une première contribution des immigrés, notamment qualifiés, à la richesse américaine est qu’ils créent de nouvelles entreprises : 36 % d’entre elles comptent au moins un immigré parmi leurs fondateurs et ce chiffre grimpe à 44 % pour les entreprises high-tech de la Silicon Valley. Ainsi sur la période 2006-2012, les entreprises technologiques et d’ingénierie fondées par des immigrés ont engendré 63 milliards de dollars de recettes et employé 560 000 personnes. Au final, bien que les immigrés ne soient que 13 % dans la population américaine, ils représentent 26 % des entrepreneurs. Cette surreprésentation des immigrés parmi les entrepreneurs se retrouve dans beaucoup de pays, du Nord comme du Sud, mais pas en France, du fait de l’extrême faiblesse de notre immigration économique.

Une autre contribution très importante des immigrés qualifiés est qu’ils innovent. Ainsi, en 2011, 56 % des doctorats en science de l’ingénieur, 51 % en informatique et 44 % en physique ont été délivrés à des immigrés aux États-Unis. Dans le domaine de la recherche, ils sont à l’origine de 24 % des brevets déposés sur la période 1940- 2000. On trouve des résultats similaires quand on élargit le champ d’étude aux autres pays de l’OCDE, notamment à l’Europe. C’est par contre moins vrai en France du fait de la structure de notre immigration peu qualifiée.

Finalement de nombreuses études ont démontré l’impact positif de l’immigration sur le commerce international. Il en va de même pour les investissements directs à l’étranger (IDE) et pour l’ensemble des autres flux financiers internationaux. Plusieurs travaux montrent que les migrants qualifiés réduisent les frictions informationnelles et favorisent la coopération financière et le commerce entre pays, du fait de leur appartenance à des réseaux d’affaires et de leur bonne intégration sur le marché du travail.

Si on peut aisément comprendre que les immigrés qualifiés facilitent les échanges commerciaux avec leur pays d’origine, leur surreprésentation parmi les entrepreneurs et les inventeurs est à priori plus mystérieuse. Il s’avère que les immigrés ne sont pas des gens ordinaires : dans le jargon des économistes, on dit qu’ils sont (auto-)sélectionnés positivement. Les études montrent ainsi qu’ils se caractérisent par leur capacité à prendre des risques, à investir dans des méthodes de production nouvelles, mais aussi par des niveaux de santé et d’éducation meilleurs que leurs compatriotes restés au pays. Ce sont des qualités essentielles, qui favorisent la mobilité sociale, l’innovation et la création d’entreprises.

Par ailleurs l’immigration facilite les transferts de savoirs productifs et apporte une diversité qui est source de gains de productivité. Les études sur données d’entreprises montrent que les équipes les plus diverses en termes de lieux de naissance ont les meilleures performances. Ces études révèlent des complémentarités productives dans les savoirs, les qualifications et les procédures cognitives qui apparaissent d’autant plus fortement que les individus sont issus de systèmes scolaires et culturels différents et qu’ils sont qualifiés. Ces résultats se retrouvent au niveau macroéconomique : la diversité de l’immigration qualifiée a un impact positif sur les niveaux de revenu et de productivité des pays riches. Elle se traduit également pour les pays receveurs (indépendamment des effets de réseaux ou de diffusion de savoirs productifs) par une plus grande performance exportatrice ainsi que par une plus grande diversité des produits exportés.

Repenser la politique migratoire de la France

De nombreux pays développés cherchent à attirer les immigrés qualifiés, voire très qualifiés, avec des systèmes plus ou moins sélectifs. La tendance générale est à la facilitation de leur insertion sur le marché du travail et à l’allègement des contraintes dans la transition études-emplois des jeunes étrangers. On distingue deux types de politiques : les politiques sélectives explicites basés sur les besoins de l’économie à court terme (métiers en tensions, besoin des entreprises) et/ou à long terme (types d’immigrés que l’on souhaite attirer), et celles qui encouragent les étudiants étrangers à rester à l’issue de leurs études.

Ces différents systèmes ne sont pas mutuellement exclusifs. Ils ne répondent pas non plus à la même logique. Ceux basés sur les besoins des entreprises, comme c’est le cas des visas accordés dans les secteurs dits « sous tensions », se focalisent sur le court- terme. Ils sont là pour répondre à un besoin de main d’œuvre non pourvu. D’autres visent à attirer des talents indépendamment d’un besoin de court terme. C’est par exemple le cas des titres de séjour destinés aux étudiants étrangers à l’issue de leurs études. Finalement les systèmes à points sont des systèmes intermédiaires. Ils cherchent à attirer des talents tout en répondant à des besoins de court terme de secteurs sous tension. Une recommandation est donc pour la France de développer des canaux d’immigration variés (via les entreprises, système à points, transition études-emploi) afin d’augmenter les qualifications et la diversité des origines de ses immigrés.

Le passeport talent et les étudiants étrangers

Depuis 2016 la France cherche à inverser sa stratégie vis à vis de l’immigration. La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers a notamment pour objectifs de lutter contre l’immigration irrégulière et d’attirer les travailleurs qualifiés avec la mise en place d’un « passeport talent », pendant de la « blue-card » européenne. Cette carte de séjour d’une durée maximale de 4 ans permet d’accueillir les jeunes qualifiés salariés d’une entreprise innovante, les chercheurs, les créateurs d’entreprise ou encore les porteurs d’un projet économique innovant. En 2019, le passeport talent n’a été délivré qu’à 13 500 primo-demandeurs. C’est trop peu pour changer la structure de notre immigration.

Un facteur clef pour augmenter l’immigration qualifiée est l’accueil d’étudiants étrangers. La France a de sérieux atouts dans ce domaine. Ses universités ont une offre de formation variée et très compétitive sur le plan financier. De fait la France est le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux après les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie et le premier pays d’accueil non- anglophone. Mais l’absence d’un véritable programme d’accueil uniformisé sur le modèle de ce qui est pratiqué dans des pays anglo-saxons est un frein majeur pour attirer les étudiants en mobilité internationale, et particulièrement les étudiants non francophones. Un verrou indépassable pour ceux qui viennent de pays hors des circuits traditionnels de la francophonie, déjà surreprésentés en France, est l’offre limitée de cours en anglais dans le système d’enseignement supérieur français. Un autre verrou est la faiblesse de la qualité de l’encadrement et des formations. Faire sauter ces deux verrous a un coût qui pourrait en parti être financé par une augmentation des frais d’inscription des ressortissants extra-communautaires via les frais différenciés. Une telle politique d’excellence universitaire bénéficierait à la France doublement. D’une part elle nous permettrait d’attirer des talents internationaux, qui pourraient rester en France à l’issue de leurs études, et d’autre part elle offrirait de meilleures conditions d’études et de meilleurs niveaux de qualifications aux étudiants français.

De nombreux pays, tels que l’Angleterre, la Suède ou la Nouvelle -Zélande facilitent l’installation à plus long terme des étrangers venus faire leurs études dans leur pays en prolongeant systématiquement leur visa de 1 à 3 ans à l’issue de leurs études. Les États-Unis, qui encouragent explicitement l’immigration qualifiée avec la mise en place de visas spécifiques (visas H-1B), misent sur l’attractivité de leurs universités pour attirer les meilleurs étudiants étrangers. Ces derniers restent souvent sur le territoire américain à l’issue de leurs études, ce qui explique en partie que les États-Unis restent le leader mondial en matière d’innovation et de brevets déposés.

En France la transition étude-emploi est difficile. L’obtention d’un titre de séjour à l’issu des études est soumis aux mêmes aléas que la demande de visa pour les travailleurs. Ces contraintes font que le « taux de rétention » des étudiants étrangers en France est très faible. A titre indicatif, le Ministère de l’Intérieur (DGEF) a suivi une cohorte de 70 000 étudiants étrangers ayant obtenu leur premier titre de séjour en 2015. Il ressort du suivi administratif qu’après 5 années, seuls 21 % d’entre eux sont toujours présents en France au titre d’un motif économique. Si 14 % d’entre eux sont toujours étudiants, 57 % ont quitté la France.

Le système à point

Le Canada et l’Australie ont mis en place depuis plusieurs décennies déjà des systèmes d’immigration dit « à points ». Le Royaume-Uni l’a introduit en 2006. Ce système existe également, sous diverses formes, en Nouvelle-Zélande et en Autriche. Le système à points est une politique de sélection des candidats à l’immigration en fonction de plusieurs caractéristiques telles que l’âge, le niveau de qualification, de compétences linguistiques, d’expériences professionnelles et de capacités d’intégration. Chaque candidat se voit attribuer un score total, compte tenu de l’adéquation de ses caractéristiques avec les priorités du gouvernement du pays d’accueil. Ce système permet, selon les pondérations, de privilégier plutôt des compétences spécifiques, comme les qualifications professionnelles, ou des compétences générales, comme le niveau d’éducation ou la maîtrise de la langue. Le score total participe de la décision d’octroyer ou non un visa mais ce n’est pas forcément le seul élément pris en compte. Il n’est pas nécessaire d’avoir un sponsor pour être candidat à l’immigration dans ce système et l’octroi du visa n’est pas dépendant d’une promesse d’embauche, bien qu’en général cela facilite grandement l’obtention d’un titre de séjour.

Un système à points présente l’avantage d’être transparent, équitable et efficace : après avoir rempli un questionnaire le candidat à l’immigration a une idée assez claire de ses chances d’obtenir ou non un visa d’entrée. Il incite les pouvoirs publics à spécifier les critères qui sont importants pour une immigration réussie et encourage les immigrés qualifiés à postuler pour un titre de séjour, voire à se former (par exemple en apprenant la langue du pays d’accueil) en anticipation de leur candidature. C’est également un système évolutif et souple puisque les pondérations peuvent être facilement modifiées afin d’orienter la politique migratoire vers les profils d’immigrés souhaités.

L’intégration des immigrés en France : le cas des réfugiés

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    Auriol, Emmanuelle, Madeleine Perron et Pierre Rousseaux, « Quel est l’impact économique de l’accueil de réfugiés ? » CAE, Focus N°070-2021

Les immigrés économiques contribuent à la richesse des nations qui les accueillent. Les plus qualifiés innovent et créent des entreprises. Les moins qualifiés occupent des emplois délaissés. On est en droit de se demander ce qu’il en est de l’afflux soudain de réfugiés qui ne répondent pas aux cycles économiques mais à des évènements politiques extérieurs. Sont-ils source d’un chômage accru et/ou d’une diminution des salaires, notamment pour les travailleurs les moins qualifiés de la zone qui les accueille ? La réponse à cette question est, de manière assez surprenante, plutôt non (voir Auriol, Péron, Rousseaux 2021)1.

Quid des réfugiés ?

Dans une étude très célèbre, l’économiste canadien David Card, prix Nobel 2021, a utilisé l’exode de Mariel pour mesurer l’effet d’un choc migratoire important et inattendu sur le marché du travail et sur la capacité d’absorption d’une économie, en l’occurrence la ville de Miami. Dans une déclaration du 20 avril 1980 Fidel Castro annonça que les Cubains désireux de partir pour les États-Unis seraient libres de le faire à partir du port de Mariel. Suite à cette annonce 125 000 réfugiés cubains ont débarqué à Miami entre mai et septembre 1980. Cet épisode migratoire exceptionnel constitue ce que les chercheurs en économie appellent une expérience naturelle, par opposition aux expériences contrôlées. Cet afflux soudain de réfugiés a créé un choc très important sur l’économie de la ville, notamment sur son marché du travail qui a vu sa population active augmenter brutalement de 7 %. Pour mesurer l’effet exact du « traitement » (le choc migratoire), David Card compare l’évolution du taux de chômage et des salaires à Miami avec ceux de quatre autres villes américaines possédant des caractéristiques similaires, mais qui n’ont pas été affectées par l’exode (c’est son groupe de contrôle). Il montre que la vague de réfugiés cubains n’a pas eu un impact négatif sur l’économie de la ville, pas plus que sur les salaires ou sur le chômage, au contraire : sur la période 1979-1981 à Miami, le chômage diminue de 1,2 point tandis que dans les autres villes il ne diminue que de 0,1 point.

Cette étude illustre la complexité du fonctionnement d’une économie moderne et de son marché du travail. Une erreur couramment commise par le grand public et les responsables politiques est d’envisager le travail dans une zone économique comme un gâteau de taille fixe qu’il faudrait se partager. Ajouter des travailleurs se traduit alors soit par une augmentation du chômage soit par des salaires plus faibles. Or un système économique moderne n’est pas stationnaire. Il est dynamique. Et comme l’illustre l’épisode de l’exode de Mariel, les réfugiés qui doivent se loger, se nourrir et subvenir à leurs besoins, créent de l’activité économique additionnelle dont l’effet net a été, en l’occurrence, positif pour les habitants de Miami.

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    Ruist J. (2013) : « The Labor Market Impact of Refugee Immigration in Sweden 1999–2007 », Stockholm University Linnaeus Center for Integration Studies-SULCIS, n° 2013:1).

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    Del Carpio X.V. et M.C. Wagner (2015) « The Impact of Syrian Refugees on the Turkish Labor Market », World Bank Policy Research Working Paper, n° 7402.

Des études plus récentes montrent des résultats similaires. Ruist (2013)2 ne trouve pas d’impact de l’arrivée des réfugiés entre 1997 et 2007 sur le chômage en Suède. Le seul effet notable concerne les immigrés arrivés précédemment en Suède qui se trouvent en concurrence avec les nouveaux arrivants. Del Carpio et Wagner (2015)3 étudient l’impact des 2 millions de réfugiés syriens en Turquie et montrent qu’ils se sont substitués à certains travailleurs dans le secteur informel, notamment les femmes en agriculture, mais qu’ils ont également poussé à la hausse les salaires dans le secteur formel par leur demande de biens et de services. De plus, 26 % des nouvelles entreprises créées en Turquie en 2014 l’ont été par des Syriens et/ou avec du capital syrien.

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    Parsons C. et P.L. Vézina (2018) : « Migrant Networks and Trade: The Vietnamese Boat People as a Natural Experiment », The Economic Journal, vol. 128, n° 612, F210-F234.

Pour le cas plus spécifique des demandeurs d’asile, Parsons et Vézina (2018)4 exploitent, à l’instar de David Card, une expérience naturelle, celle des « boat people » vietnamiens réfugiés aux États- Unis. En quelques années et en deux vagues, près d’un demi-million de vietnamiens furent accueillis et répartis de manière aléatoire à travers le territoire américain. Parsons et Vézina (2016) exploitent cet évènement pour étudier les effets à long terme de cette immigration sur le commerce entre états américains et le Vietnam. A la levée, en 1994, de l’embargo du commerce avec le Vietnam, les États américains ayant reçu le plus de réfugiés Vietnamiens (relativement à leur population) dans la seconde moitié des années 1970 ont vu leurs exportations vers le Vietnam croître à un rythme plus élevé que les autres.

Du Contrat d’Accueil et d’intégration (CAI) au Contrat d’Intégration Républicaine (CIR)

Le Contrat d’Accueil et d’Intégration (CAI) a été créé en 2006 dans le cadre de la loi «immigration et intégration» pour favoriser l’intégration des étrangers autorisés à s’installer durablement sur le territoire national. Il s’adresse aux étrangers âgés de 16 ans ou plus (hors EEE) admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaitent s’y maintenir durablement. Les signataires s’engagent à suivre une journée de «formation civique», une session d’information sur la vie en France, à faire un bilan de compétences et à suivre une formation linguistique «si nécessaire». A partir de 2016, le CAI a été remplacé par le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR), avec les mêmes objectifs et pour principale différence une montée en puissance de la formation linguistique. Il faut dire que le manque de maîtrise de la langue française est cité comme la première cause des difficultés d’intégration par près de la moitié des « primo- arrivants » signataires. Et tant les retours d’expériences (des encadrants et des participants) que les évaluations d’impact ont montré l’insuffisance de l’offre de formation linguistique proposée dans le cadre du CAI.

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    Lochmann, Alexia, Hillel Rapoport et Biagio Speciale (2019): The effect of language training on immigrants’ economic integration: empirical evidence from France, European Economic Review.

L’évaluation de la formation linguistique du CAI par Lochmann et al. (2019)5 n’est intervenue qu’après que celle-ci a été réformée dans le cadre du CIR. Par une méthode dite de « régression par discontinuité », les auteurs comparent des individus ayant obtenu légèrement plus que la note critique au test initial de français qui permet d’accéder à la formation, à ceux qui ont obtenu légèrement moins et en sont donc exclus. Ils montrent que si la formation linguistique permet une augmentation de la participation des immigrés au marché du travail, c’est par la recherche plutôt que par l’obtention d’un emploi. Par ailleurs, l’effet observé n’est pas dû à une amélioration des compétences en français mais aux informations et aux contacts obtenus dans le cadre de la formation. Les auteurs mettent également en lumière des effets plus positifs pour les individus plus éduqués, les réfugiés et les immigrés économiques (par rapport à ceux pour motif familial) et plus négatifs pour les femmes et les personnes plus âgées.

Quant à la formation linguistique augmentée du CIR, elle a été réformée déjà trois fois : en 2018, puis en 2019, et enfin en 2022. Là encore, il n’y a pas eu d’évaluation sérieuse des dispositifs successifs, si ce n’est l’exercice personnel auquel s’est livré Jean- Noël Barrot, député et président de la Commission de l’Evaluation des Politiques Publiques de l’Assemblée Nationale, à travers une comparaison de deux cohortes du CIR d’avant et après la réforme de 2018. Ainsi les réformes sont faites à la suite d’interviews des différents acteurs concernés, elles se fondent sur des retours d’expérience. L’information ainsi produite est bien évidement utile au débat et à la décision publique, mais elle n’est pas exempte de biais et ne présente pas de manière exhaustive, ni objective, l’effet de ces politiques. Une évaluation systématique mettant en œuvre des outils statistiques rigoureux fait défaut comme l’illustre le cas de la politique d’intégration des réfugiés.

Les politiques d’intégration des réfugiés

Du fait de la faiblesse générale de notre immigration, et de celle de travail en particulier, les réfugiés constituent une population immigrée importante, à la fois en proportion (près du tiers des nouveaux immigrés au cours des deux dernières décennies, et près de la moitié sur la période la plus récente), politiquement (le statut de réfugié correspond à un titre de séjour permanent) et économiquement, parce qu’il s’agit là de personnes particulièrement vulnérables du fait des circonstances qui ont prévalu à leur arrivée. La question de leur accueil et de leur intégration est donc cruciale.

Avec la « crise des réfugiés » de 2015, une multitude d’initiatives publiques destinées à favoriser leur intégration ont été lancées : le programme HOPE (pour Hébergement, Orientation et Parcours vers l’Emploi), qui « vise à l’accompagnement vers l’emploi des réfugiés grâce à une formation professionnelle à des métiers en tension et des immersions en entreprises; le programme ACCELAIR, plus ancien mais boosté à partir de 2015 propose un accompagnement multidimensionnel aux réfugiés ; le programme ALLERO, piloté par la Mission Locale de la Ville de Paris, qui offre là aussi un accompagnement multidimensionnel centré sur les compétences professionnelles, pour n’en citer que quelques-uns.

Ces dispositifs ont en commun d’être à petite échelle (quelques centaines de participants), de faire l’objet d’une communication très large mais de n’être que rarement évalués au-delà d’interviews des acteurs concernés ou bien d’analyses descriptives de questionnaires. De telles « évaluations » sont fréquemment confiées à des cabinets de conseil dont les méthodes, qualitatives comme quantitatives, sont loin des standards académiques. Par exemple, la question de la sélection des « bénéficiaires de la protection internationale » (BPI) dans les programmes d’intégration qui leur sont destinés n’est pas traitée et les résultats confondent de ce fait l’effet du programme avec celui de la sélection des immigrés (généralement positive en matière de caractéristiques observables comme l’éducation ou non-observables comme la motivation) et conduit le plus souvent à des satisfécits auto-décernés. On peut ainsi, sur la base de résultats biaisés, prendre la décision d’étendre le programme sans en avoir démontré l’utilité.

Une difficulté est que si on veut pouvoir évaluer un programme, il faut le concevoir en conséquence. Par exemple, il faut l’introduire de façon différenciée dans le temps entre régions (c’est le cas du programme AGIR, lancé début 2022), ou le proposer à certains candidats volontaires mais pas à tous, de façon à avoir un groupe de contrôle et à pouvoir comparer des personnes comparables. Ceci peut se faire par exemple en allouant les candidats à un programme de formation sur la base d’une note ou d’un autre critère continu (la note à un test de langage, comme c’est fait pour la formation linguistique dans le cadre du CIR, l’âge, etc.) ou par tirage au sort.

Finalement il est indispensable de mettre en place un suivi statistique au long cours, ce qui est pour l’instant impossible en France. En effet l’élaboration de statistiques ethniques est restreinte par une décision du Conseil constitutionnel de 2007 qui interdit la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques des personnes ainsi que l’introduction de variables de race ou de religion dans les fichiers administratifs (à l’exception notable de l’enquête Trajectoires et Origines de l’INED). En d’autres termes, et contrairement à ce qui se fait par exemple aux États-Unis, les chercheurs n’ont aucune information statistique sur l’origine ethnique des Français. Au nom de la lutte contre les discriminations, on s’interdit d’étudier l’intégration des immigrés dans le long terme, laissant ainsi libre au cours aux fantasmes et aux rumeurs.

Qu’avons-nous appris ?

En dépit de l’absence de statistiques ethniques et d’une culture de l’évaluation dans l’administration, les chercheurs exploitent, à l’instar de David Card, les « quasi-expériences » (changements de législations, traitements différenciés entre régions du fait de considérations budgétaires ou logistiques, seuils administratifs) pour faire de l’évaluation solide. Ils regardent aussi au-delà des frontières pour apprendre des expériences comparées de nos voisins.

  • 6

    Fasani, Francesco, Tommaso Frattini et Luigi Minale (2021): Lift the Ban: Initial Employment Restrictions and Refugee Labour Market Ourcomes, Journal of the European Economic Association, 22, 2, March.

  • 7

    Bansak Kirk, Jeremy Ferwerda, Jens Hainmueller, Andrea Dillon, Dominik Hangartner, Duncan Lawrence, and Jeremy Weinstein (2018): Improving refugee integration through data-driven algorithmic assignment, Science, 359, Issue 6373, Jan.

Ainsi sur l’intégration des réfugiés, les études montrent que les politiques de « dispersion spatiale » ne marchent pas. Celles-ci consistent, pour des raisons de répartition égalitaire entre régions, ou pour éviter la formation d’enclaves ethniques, à disperser les réfugiés selon des critères administratifs. De telles politiques existent notamment dans les pays fédéraux comme l’Allemagne ou la Suisse (avec des grilles de répartition très strictes entre Länder/cantons), ainsi que dans les pays scandinaves et ont été timidement introduites en France lors de la crise de 2015. Elles laissent le soin aux autorités de déterminer le lieu d’accueil des réfugiés, sans leur laisser le choix et le plus souvent sans tenir compte de leurs caractéristiques ni de leurs besoins, les privant au passage des réseaux d’entraide qu’ils pourraient avoir localement. Fasani et al. (2022)6 trouvent que ces politiques pénalisent significativement les réfugiés ainsi « placés » en matière de logement et d’emploi. Une autre étude (Bansak et al., 2018)7, publiée dans Science, a exploité des décennies de données sur le placement des réfugiés aux États-Unis et en Suisse, pour étudier grâce à des techniques de « machine learning » l’intégration de dizaines de cohortes en fonction de leurs caractéristiques (pays d’origine, âge, éducation, professions, statut familial, etc.). Ils ont ensuite construit un algorithme chargé de déterminer le meilleur lieu de résidence en fonction des caractéristiques des villes et communautés d’accueil (localisation, structure d’emploi, composition ethnique, présence d’école, d’hôpitaux, infrastructures, etc.). En comparant les résultats en matière d’intégration pour la dernière cohorte de réfugiés observée avec les résultats simulés qu’un placement algorithmique aurait donnés, ils mettent enlumière des améliorations potentielles considérables sur l’emploi (comme sur les autres critères considérés).

Un autre consensus concerne le rôle des délais administratifs dans l’obtention du statut de réfugié, et le fait de pouvoir ou non travailler tant que la procédure d’examen de la demande d’asile est en cours. Le temps d’attente pour obtenir ce statut peut être très long, typiquement de l’ordre de 18 à 24 mois et s’accompagne de nombreuses contraintes (absence de mobilité notamment), d’incertitudes, durant lequel l’angoisse, voire la dépression s’installent. Plusieurs enquêtes montrent ainsi un effet négatif considérable en matière de bien-être subjectif de cette attente (par exemple l’enquête « Origines et Perspectives des Réfugiés en France ». Fasani et al. (2021) exploitent l’introduction ou le retrait de ces interdictions de travail pour les demandeurs d’asile en Europe au cours des dernières décennies. Même après plusieurs années dans le pays d’accueil, ces personnes souffrent d’un handicap d’intégration économique qui se manifeste par des niveaux d’emploi et de salaires significativement inférieurs à ceux d’immigrés comparables (en âge, niveau d’éducation, etc.) mais qui ne sont pas réfugiés. Le coût de ces interdictions (en termes de valeur ajoutée) serait selon eux de plus de 35 milliards d’Euros pour les seuls réfugiés de la vague de 2015.

Conclusion

Comme indiqué en introduction, une politique d’immigration se fonde sur deux piliers : l’immigration elle-même (en structure et en volume) et l’intégration. Au cours des cinq dernières décennies, la France, en cherchant à diminuer l’immigration, a surtout éteint celle de travail. Ce faisant, elle s’est coupée des principales sources de croissance dont l’immigration économique est porteuse. Dans le même temps, les diverses politiques d’intégration des immigrés et des réfugiés n’ont jamais été évaluées de façon solide. Comme le démontre l’état de l’opinion publique et les exploitations politiques qui en sont faites, les deux piliers de notre politique d’immigration sont à reconstruire. Cette note fournit des constats et des propositions fondées sur les analyses empiriques les plus récentes pour la réformer.

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